Chroniques

par bertrand bolognesi

Lynn Dawson et The London Baroque
Arne, Jenkins, Lawes, Locke et Purcell

Fêtes musicales de Corbigny / Abbaye Saint Léonard
- 12 août 2003
la cantatrice britannique Lynn Dawson
© dr

Voilà déjà treize ans que Corbigny, aux portes du Morvan, entre Nevers et Vézelay, sur la rive de l’Anguison, accueille les Fêtes musicales en son Abbaye Saint Léonard, devenue tout récemment centre culturel. Anne Girard est la fée des lieux qui offre ce soir au public un fort beau moment de musique baroque anglaise.

Ingrid Seifert et Richard Gwilt aux violons, Charles Medlam à la basse de viole et Terence Charlston au clavecin, formant le fameux London Baroque qui distribue ses grâces musicales ici et là depuis un quart de siècle déjà, ont imaginé un programme d’une grande cohérence, requérant la participation de l’alto aguerri à ce répertoire, Lynn Dawson. À dix-neuf heures, un ciel sans ombre dispense à la cour de l’abbaye une touffeur caniculaire qui découragerait plus d’une chanteuse ; on sait bien les soucis rencontrés par les artistes lors de tels écarts de climat. Pourtant, Lynn Dawson est au rendez-vous pour, avec l’esprit qu’on lui connaît, interpréter de précieuses pages de Purcell et d’Arne et un Alleluia de Händel en bis.

Cette soirée s’ouvre par une lecture équilibrée, à la sonorité minutieusement soignée sans pour autant céder à un maniérisme mal venu, de deux mouvements de John Jenkins, un compositeur qui promena son art de gambiste et de luthiste depuis son Kent natal jusqu’aux plus prestigieuses cours, durant la première moitié du XVIIe siècle. À la fin de sa carrière, il tenta d’intégrer la musique de danse à son travail, mais la première facture de son œuvre reste la plus brillante. On en apprécie ici la cohérence comme la majesté.

Nous entendons ensuite trois des plus fameuses chansons de Henry Purcell, données avec courage par Lynn Dawson d’un larynx dangereusement asséché. Elle se montre une nouvelle fois grande diseuse au naturel confondant et à l’élégante simplicité, avec Sweether than roses, qui marie – comble de raffinement ! – certains sons dans une similitude de timbre avec le violon ou la basse. Si la célèbre Music for a while rencontre les difficultés que le temps donnait à craindre, If music be the food of love exerce un véritable charme sur le public. Puis nous écoutons une pièce d’instruments du protégé du Roi Charles 1er, William Lawes, présentant de savants entrelacs où excelle le London Baroque, avant de retrouver la voix dans la suite extraite de l’opéra The Fairy Queen (Purcell) dont The plaint émeut directement.

Après un court entracte, les quatre musiciens réunis font joliment sonner une Sonate du même compositeur, avant que le clavecin de Terence Charlston gratifie l’auditoire de Deux Danses et d’un Voluntary de l’organiste Matthew Locke dont l’œuvre influença son ami et collaborateur Gibbons et, plus tard, son cadet Purcell. L’ornementation discrète de l’interprétation de ce soir, avec son imperceptible mobilité de tactus, donne parfaitement l’illusion de nuances d’intensité. Cet aimable soirée de musique courtoise s’achève avec quatre Songs de Shakespeare mises en musique par un contemporain du Divin Saxon, le londonien Thomas Arne après la cinquantaine (vers 1769), alors qu’il est en pleine possession de ses moyens.

BB