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Chroniques
Macbet | Macbeth
opéra de Giuseppe Verdi
Pour refermer sa saison, l’Opéra royal de Wallonie propose une nouvelle mise en scène du Macbet de Verdi, réglée par le maître des lieux. Comme souvent, Stefano Mazzonis di Pralafera n'a pas besoin de transgresser la lettre du livret pour offrir un angle dramaturgique original [lire nos chroniques de Guillaume Tell, La gazzetta, Lucia di Lammermoor, La bohème, Jérusalem, Otello, Manon Lescaut et La traviata]. Avec un plan incliné en fonction spéculaire qui reflète un damier d'échecs et l'évolution de ses pièces blanches et noires, l'Ouverture résume en une habile image mouvante l'intrigue shakespearienne et sa dialectique troublant le manichéisme politique. On assiste à une sorte de mime onirique de la morbidité et des remords du héros, avec l'imposant vestiaire du jeu de société, lequel habillera tout au long de la soirée les protagonistes d'un bichrome qui va sans doute bien au delà des nécessités de la symbolique théâtrale.
Sans qu'il faille absolument céder à l’illusoire naturalisme parfois en vogue dans la transposition contemporaine, l'insistance du procédé métaphorique en schématise la puissance évocatrice et poétique. En contraste avec l'économie des décors de Jean-Guy Lecat, rehaussée par les lumières à l'occasion fantasmatiques de Franco Marri, le travail de Fernand Ruiz sur les costumes assume une fantaisie de couleurs affranchie de pudeurs de vraisemblance et de sobriété esthétique, ici peu pertinentes au demeurant, pour le premier critère du moins. Les cornes et les fluorescences des sorcières ne dépareraient pas dans la mascarade finale de Falstaff ; elles s'animent avec les mouvements chorégraphiques de Rachael Mossom, privilégiant les archétypes consacrés.
Régulièrement invité sur la scène liégeoise, Leo Nucci ne cesse de défier les ans. Dans le rôle-titre, on retrouve sa présence et sa légende, même si l’aura du couplage (attendue et saluée) ne masque pas tous les stigmates de la maturité. L'entrée de Macbeth, par exemple, favorise l'intensité de la déclamation, tandis que la ligne de chant se trouve davantage mise en avant dans les séquences introspectives. La chaleur humaine du grain de la voix confère une indéniable épaisseur à l'incarnation, qui compense un legato çà et là plus près de la sécheresse du verbe que de l'ampleur musicale. Pour sa Lady, Verdi ne cherchait pas tant la joliesse du timbre qu'un instinct dramatique. À cette aune, Tatiana Serjan remplit assurément le cahier des charges, avec une vigueur et un impact expressifs remarquables sur l'ensemble des registres, à peine tempérés par l'effort parfois sensible dans l'émission des aigus [lire nos chroniques du 23 janvier 2017 et du 12 juin 2009].
Giacomo Prestia assume un Banco robuste, à la pâte nourrie, d'une personnalité peut-être perfectible. L'éclat indigné du Macduff de Gabriele Mangione devant le cadavre du roi Duncan emporte mieux l'adhésion que son second air, Ah, la paterna mano, où son lyrisme solaire ne passe pas toujours la rampe des quelques scories techniques [lire notre chronique du 13 mars 2013]. Papuna Tchuradze résume l'essentiel d'un Malcom honnête [lire nos chroniques du 27 septembre 2016 et 18 décembre 2015]. On mentionnera les interventions efficaces d'Alexise Yerna (Dame de compagnie) et de Roger Joakim (Médecin et Tueur à gage), sans oublier Benoît Delvaux (Domestique), Alexeï Gorbatchev (Héraut) et les trois apparitions (Dominique Detournay, Ludivine Scheers et Marc Tissons). Préparé par Pierre Iodice, le Chœur remplit honorablement son office. Dans la fosse, Paolo Arrivabeni restitue d'abord la force de la partition, sans quémander l'inouï, au diapason d'un spectacle solide avant tout.
GC