Chroniques

par irma foletti

Macbet | Macbeth
opéra de Giuseppe Verdi

Oper, Francfort
- 12 janvier 2025
R.B. Schlather signe la nouvelle production francfortoise de MACBET de Verdi
© monika rittershaus

Créée le mois dernier, la nouvelle production de Macbet, moderne et élégante, signée R.B. Schlather, est une belle réussite [lire notre chronique de Madama Butterfly]. La vision du metteur en scène nord-américain reste en permanence à l’intérieur de la riche demeure du couple, le plateau tournant du scénographe Etienne Pluss en présentant les vastes pièces, d’une grande hauteur sous plafond et à la couleur blanc crème aseptisée, où rien ne dépasse. La cuisine est impeccablement rangée, tout comme le salon. Seuls trois écrans où défilent, en général, les images d’une chaîne d'information, donnent un peu de vie à cet appartement de luxe. Il faut dire que le personnel de maison est disponible en nombre, les femmes jouant aux sorcières, entre salon et cuisine où bout la marmite, en compagnie d’enfants costumés pour la fête d’Halloween. On perd sans doute en mystère et en effroi par la présence de ces sorcières plutôt rigolardes, mais le procédé fonctionne. Dans le même temps, ce sont les aventures de Félix le Chat, dessin animé, qui passent à la télévision, lui aussi ayant affaire à des sorcières.

Lady Macbeth entre en scène en robe de chambre et pantoufles. Les costumes de Doey Lüthi actualisent l’action à notre époque. À l’Acte II, le couple reçoit ses invités à l’occasion d’une soirée de fin d’année, devant le sapin de Noël et tandis qu’à l’écran passe le programme d’un feu de cheminée. Cette soirée chic, où Lady Macbeth est costumée en Mère Noël, se termine par les hallucinations de Macbeth. Celui-ci ne voit alors pas le spectre de Banquo, mais simplement son fils une première fois, puis rien pour la seconde fois, ce qui renforce le sentiment de la folie dans laquelle il plonge, assis sur le canapé, regard vague et sourire béat. Au III, il neige à l’extérieur. Au IV, les guerriers qui défendent Malcolm sont plutôt des révolutionnaires de notre temps, tout de noir vêtus, tels qu’on peut les voir dans les breaking news à la télévision, montrant des manifestants qui mettent le feu en ville.

La représentation bénéficie de deux excellents titulaires pour les rôles meurtriers, vocalement, de Macbeth et sa Lady. Dans le rôle-titre, le baryton Nicholas Brownlee fait valoir une superbe qualité de timbre, alliée à une rare force de projection, parfois insolente dans le registre aigu [lire notre chronique d’Alcina]. La voix est également homogène sur toute l’étendue et l’interprète, qui ne s’économise pas, parvient encore à émouvoir au dernier acte en délivrant l’air Pietà, rispetto, amore dans un dénuement presque complet, pieds nus, en sous-vêtements et peignoir. Quant à elle, Tamara Wilson est une Lady moins homogène en puissance, capable d’une forte ampleur sur les notes les plus aiguës, mais plus discrète dans la partie grave [lire nos chroniques de Die Feen, Adriana Lecouvreur et Beatrice di Tenda]. Sa musicalité est fort précise et la souplesse suffisante pour les courts passages d’agilité, comme lors du brindisi du II, et ses notes piquées se révèlent aériennes. Ses grandes arie sont des moments d’une grande intensité, comme La luce langue (II) ou encore sa grande scène de somnambulisme (IV), Una macchia è qui tuttora, sur une petite épaisseur orchestrale.

En Banquo, Kihwan Sim affiche une basse solidement timbrée, à la voix ferme et au grave assuré [lire nos chroniques d’Œdipe, Radamisto et Le vin herbé]. En Macduff, le ténor Matteo Lippi met du cœur en ses interventions, notamment pour le grand air du IV, Ah, la paterna mano, chanté à genoux, avec des aigus épanouis. L’autre ténor, Kudaibergen Abildin, complète en Malcolm, ainsi que Karolina Bengtsson en Suivante [lire notre chronique de Francesca da Rimini] et Erik van Heyningen en Médecin [lire nos chroniques de Das verratene Meer et de Tannhäuser]. Les artistes du Chor der Oper Frankfurt font preuve de vaillance, eux aussi, et de cohésion d’ensemble. Le passage le plus attendu, Patria oppressa! qui ouvre le dernier acte, est ici chanté avec engagement et donne le frisson.

Aux commandes du Frankfurter Opern– und Museumsorchester, Simone Di Felice restitue avec goût la partition verdienne, en maintenant la tension dramatique tout du long [lire nos chroniques d’Orlando et de Giulio Cesare in Egitto]. Le rythme est peut-être un peu rapide à certains endroits – par exemple, quand Macbeth apprend la réalisation des premières prophéties des sorcières, mais la musique colle finalement avec l’option qui les fait plutôt guillerettes. Les conclusions d’acte ont belle allure, un grand souffle passant aux parties chorales et à la fosse.

IF