Recherche
Chroniques
Madama Butterfly
opéra de Giacomo Puccini
Venue de l’Opéra national de Lorraine, la production de Madama Butterfly par Emmanuelle Bastet est d’abord une pleine réussite d’élégance et d’intelligence [lire nos chroniques de Lucio Silla, Pelléas et Mélisande et Les pêcheurs de perles]. La scénographie de Tim Northam relève d’un zen minimaliste, composée principalement de panneaux de bois clair ajourés. Ces éléments, qui dessinent un sol en forme de vague remontant vers le fond du plateau, sont aussi utilisés en paravents pivotants et coulissants sur rails. Ceux-ci sont souvent déplacés à distance et à vue, formant, au gré des tableaux, une longue cloison, une pièce ouverte ou bien une autre fermée. Les lumières de Bernd Purkrabek sont un enchantement, comme en fin de premier acte quand de petites ampoules évoquent les étoiles dans la nuit, ou encore au second, après la veillée nocturne, lorsque la clarté monte en transparence derrière tous les panneaux du sol.
Les éléments de décors sont rares : d’abord un petit meuble à tiroirs contenant des objets chers à la mariée, une chaise, une grosse pierre dans un bassin, petite pièce d’eau servant plus tard au fils de Butterfly pour jouer avec la maquette d’un navire. Les costumes de Véronique Seymat sont également superbes, en particulier la robe de mariage de Cio-Cio-San et celles des femmes qui l’accompagnent, des habits aux divers motifs traditionnels déclinés dans plusieurs tons de bleu. Le jeu des acteurs paraît par ailleurs naturel et bien réglé, celui du rôle-titre impressionnant au delà de nos attentes.
La découverte du soprano Alexandra Marcellier en Cio-Cio-San est, en effet, une révélation à la fois vocale et théâtrale. Le timbre, pas spécialement rond, dégage un caractère rare et les moyens s’avèrent conséquents, avec un registre aigu qui s’épanouit généreusement, tandis que les graves sont bien exprimés. Mais l’actrice de vingt-neuf ans est également bluffante, en particulier à partir d’Un bel di vedremo, grand air où l’émotion reste constamment palpable. L’ensemble de la scène finale tire les larmes, jusqu’à la mort de l’héroïne dans les bras de Pinkerton qui semble retrouver tout d’un coup quelque amour pour sa Japonaise.
Ce n’est sans doute pas faire du tort au reste de la distribution que de le situer un petit cran en-dessous de la titulaire du rôle-titre, à commencer par le ténor Florian Laconi en Pinkerton, toujours aussi généreux dans son chant et crédible visuellement en séducteur américain. L’intonation souffre toutefois de quelques imperfections et un vibrato développé perturbe, par moments, la ligne de chant. Le baryton Yann Toussaint interprète un Sharpless un peu raide d’emblée, mais qui s’humanise plus tard à la vue de l’enfant, alors que Valeria Tornatore dévoile un timbre riche en Suzuki, quoiqu’elle donne peu de relief aux graves les plus profonds. Complètent la distribution Jean-Vincent Blot en Zio Bonzo énergique et autoritaire, Antoine Normand en Goro, Ornella Corvi en Kate Pinkerton et le ténor Marc Larcher dans le rôle éphémère du Prince Yamadori.
Dirigée par Giuseppe Grazioli, la partie musicale concourt au succès d’ensemble, avec un Orchestre Symphonique Saint-Étienne Loire revenu à pleine jauge en fosse, techniquement sans faille et présentant de beaux contrastes dans les nuances. Dès les premières mesures, les cordes font preuve de vivacité et de précision et il en va ainsi pour les solos du premier violon pendant le duo concluant le premier acte, avant des cuivres brillants pendant l’attente du retour de Pinkerton. Le Chœur Lyrique Saint-Étienne Loire a été visiblement fort bien préparé par Laurent Touche, en particulier sa part féminine qui intervient au premier acte, ou encore le chœur à bouche fermée pendant la veillée nocturne.
IF