Chroniques

par laurent bergnach

Madama Butterfly | Madame Butterfly
opéra de Giacomo Puccini

Opéra de Dijon / Auditorium
- 11 mai 2007
nouvelle production de Madama Butterfly (Puccini) à l'Opéra de Dijon
© hervé scavone

Confiant ses doutes à l'éditeur Ricordi, bataillant avec le librettiste Giocosa, Giacomo Puccini souhaitait rallier chacun à sa vision : que Madama Butterfly soit un drame devant évoluer vers son dénouement sans diversion, « rapide, efficace, terrible ! ». Peu de coups de théâtre, en effet, dans ce destin de fille-mère victime de l'inconstance masculine. En imaginant l'ouvrage facile à mettre en scène, nombre de professionnels se sont fourvoyés, voire ridiculisés [lire notre critique du DVD Dynamic]. Comme le rappelle Michel Fau, « cet opéra est souvent monté comme une japonaiserie folklorique, soit dans une épure chic et raisonnable, alors que cette histoire est terrible et violente comme une scène de Kabuki ou un dessin manga ». Dès lors, ce comédien de formation cherche une osmose entre deux époques : autour d'une maison de bois mobile jaillit la structure abstraite de torii écarlates (ces portails de sanctuaire qui, traditionnellement, séparent l'enceinte sacrée du monde profane), les kimonos du chœur s'ornent de couleurs en partie fluo et le drapeau américain d'étoiles-néon, l'entremetteur cultive une androgynie qu'on retrouve dans le théâtre et la bande dessinée japonaise, etc.

Si on ne connaît pas plus précisément les codes de ces derniers, difficile de saisir ce qui tient de la référence ou de l'invention, de dénoncer avec certitude l'élément kitsch (le fatras de mobilier, la pluie de pétales) ou trash (Cio-Cio-San, épave abandonnée, entre alcool et cigarettes). Globalement, la déception l'emporte, même si la magie fonctionne grâce à des procédés théâtraux simples, comme les mouvements de rideaux assurés par un des personnages ou cette ouverture au sol d'où surgissent les marcheurs parvenus au sommet de la colline.

Plus sûrement, l'atout de cette production dijonnaise est sa distribution vocale. Dans le rôle-titre, malgré quelques tendances à l'engorgement, Marie-Paule Dotti offre un chant souple au legato nourri, moelleux tout en étant finement corsé. Pour sa prise de rôle, Carlo Guido s'avère un Pinkerton vaillant ; trop peut-être, car le Niçois frôle sans cesse la démonstration de force, au point de mettre en avant ses faiblesses (raideur, granulosité). Quant il veut bien maîtriser sa belle puissance, le ténor offre des moments plus sensibles, tel son duo amoureux avec une Butterfly en quête de protection paternelle. Veillant sur cette dernière, Sabine Garrone s'avère une Suzuki d'un bel impact et François Harismendy un honnête Sharpless. D'une grande crédibilité malgré son caractère factice, le Goro d'Éric Vignau séduit par un timbre caressant. Dotés d'un chant clair et sain, Antoine Garcin et Éric Perez assurent avec efficacité les petits rôles – le second compose un Yamadori des plus émouvants.

Comme pour der fliegende Hollander, il y a peu [lire notre chronique du 20 mars 2007], Claude Schnitzler se montre à l'aise avec les passages souvent tendus, parfois plus légers de la partition, de même qu'attentif aux chanteurs. Le Chœur et l'Orchestre du duo Dijon méritent également d'être salués.

LB