Chroniques

par françois cavaillès

Madama Butterfly | Madame Butterfly
opéra de Giacomo Puccini

Opéra de Tours
- 13 octobre 2015
rerpise à Tours en octobre 2015 de la Butterfly d'Alain Garichot (2001)
© françois berthon

À la chute du rideau, en ce dernier des quatre soirs en compagnie de Madame Butterfly à Tours, le public nombreux et plutôt jeune du Grand Théâtre vibre joliment, applaudit à tout rompre, ovationnant en particulier l’héroïne, comme pour couronner le succès d’une maison où l’on peut aimer l’opéra pour le plaisir, dans une belle communion. Il faut donc lui reconnaître un très grand savoir-faire pour être parvenu à ce bonheur de la foule avec une production apparue pour la première fois sur nos scènes en mai 2001, signée par Alain Garichot. Ouverture réussie, pleine de métier, quand le plus beau papillon vient déjà orner la saison naissante… saison excitante !

La critique à l’œil sec mais ému pourrait ne retenir qu’une représentation très honnête. Aux âmes curieuses et sensibles moins familières avec l’opéra, tout un monde s’est peut-être ouvert en saisissant cette chance d’une initiation à l’art de Puccini. Le mérite en revient tout d’abord à l'Orchestre symphonique région Centre Val-de-Loire Tours, dirigé par Jean-Yves Ossonce, parfois sans le grand volume spectaculaire attendu, mais toujours exactement au service de la douceur, de la panique ou de la colère des personnages, durant toute l’exécution, c’est-à-dire en plein accord avec le génie dramatique et musical du compositeur toscan.

Dans le rôle-titre, Anne-Sophie Duprels signe une performance des plus impressionnantes, dès les premières vocalises éthérées, depuis les coulisses, pour introduire Cio Cio San dans toute sa forte originalité et sa délicatesse. Merveilleuse dans l’air Io seguo il mio destino, le soprano français porte ensuite le deuxième acte sur ses frêles épaules, mutine et presque drôle face à la longue absence de son mari, avant de sombrer pour finir dans la folie autodestructrice, dans une atmosphère digne et feutrée. Point d’orgue de la soirée, à la fin de l’Acte I, son saisissant duo avec le ténor Avi Klemberg [lire notre chronique du 30 septembre 2009], Pinkerton touchant et sincère jusqu’au repentir, atteint le niveau des grandes interprétations « classiques » de Puccini, sous une énorme lune orangée, symbole de fécondité et de trahison.

Plus discrète mais peut-être plus remarquablement parfaite dans le jeu de scène et le chant, le mezzo-soprano Delphine Haidan fait de Suzuki un superbe second rôle. Brave, dévouée et expressive, cette femme japonaise jouée par une Française et chantée en italien est faite trésor de personnage qui, à la rencontre des cultures, recèle l’humain juste et beau, en quelques actions et quelques pensées. Toutes les voix, incluant le Chœur de l’Opéra de Tours mené par son nouveau directeur Iñaki Encina Oyón, sont à saluer, et notamment le ténor Antoine Normand, comique et juste en Goro, et le baryton Jean-Sébastien Bou [lire notre chronique du 4 avril 2014], Sharpless presque solennel et assurément touchant au dernier acte.

Enfin, sur le plan graphique, mise en scène, lumières, décors et costumes relèvent le défi de montrer une petite société américano-nipponne dans la région de Nagasaki, au siècle dernier. Les questions de références, les risques de manichéisme ou de monotonie (sans grands effets visuels ou exotiques) ont pu empêcher de dégager une conception claire de Madame Butterfly qui reste un insondable mystère d’Orient…

FC