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Chroniques
madrigaux de Monteverdi
Les Arts Florissants, Paul Agnew
Ambronay célèbre le baroque dans sa diversité, et le programme du dernier week-end du cru 2016 n'y fait pas exception. S'il se referme sur une Passion selon Saint Matthieu qui complète un cycle initié il y a deux ans par Itay Jedlin, c'est au cœur de l'intimité vocale que les mélomanes sont invités, le samedi, à l'abbatiale où, avec un choix de madrigaux de Claudio Monteverdi, Paul Agnew et Les Arts Florissants, conjuguent les plaisirs de l'oreille et du savoir, des harmonies et de l'histoire, que cultive si bien le festival rhônalpin depuis plus de trois décennies. Privilégiant la période mantouane, des Livres IV à VI, cette sélection, également publiée au disque, s'attache à mettre en lumière une des transitions majeures de l'art, passant de la polyphonie Renaissance à l'émergence du baroque et de l'autonomisation de la voix soliste.
À cinq voix a capella, les pages tirées du Livre IV déclinent l'inspiration amoureuse, souvent sous le registre de l'attente, à l'image de Sfogava con le stelle ou Piagn'e sospira, sinon de la plainte, qu'illustrent les trois pages écrites sur des poèmes de Giovanni Battista Guarini – Voi pur da me partite, Anima dolorosa et A un giro sol –, et se teinte d'un érotisme sensuel dans Si ch'io vorrei morire. La clarté du contrepoint et la lisibilité du texte, généralement d'excellente tenue, soutiennent un travail expressif que d'aucuns jugeront plus attaché aux détails qu'à la collégialité.
On retrouve ce souci de mettre en lumière les audaces harmoniques dans les extraits du Livre V, tous sur des textes de Guarini. Cruda Amarilli, O Mirtillo Mirtill'anima mia ou encore Era l'anima mia distillent une appréciable finesse rhétorique, tandis que T'amo, mia vita introduit une basse continue à la harpe et au luth avant le clavecin dans la conclusion d'aveu. E cosi a poco a poco développe également, au fil du dialogue amoureux, une individualisation croissante des voix, prélude évident au lyrisme opératique.
Tirant parti de son effectif réduit, Paul Agnew souligne, avec ses partenaires, l'intimisme du Lamento d'Arianna, et plus encore celui de la Sestina, dépouillée de son accompagnement instrumental et interprétée à la manière d'un consort sous une lumière de confidence. De cette conception décantée, l'entrelacs d'affects en ressort magnifié. La pureté du style renouvelant sans doute une orthodoxie toujours à discuter, les deux autres pièces tirées du Livre VI témoignent de cette même attention au mot, dans l'éther de Pétrarque pour Ohimè il bel viso et une légèreté plus pastorale dans Zefiro torna.
Mentionnons enfin le mini-festival eemerging qui propose, depuis trois ans, un aperçu des ensembles qui montent, dans un large spectre de répertoire qui va jusqu'aux débuts du romantisme, rendant parfois délicate la comparaison. Parmi les six concurrents présentés, le public a également été convié à donner son choix. Se sont distingués Prisma avec un programme de raretés du XVIIe siècle et le Consone Quartet avec un vivifiant Quatuor en sol majeur Hob.III :81 d’Haydn qui fait pardonner les discrètes acidités des violons.
GC