Chroniques

par cecil ameil

Mahler Chamber Orchestra
Teodor Currentzis joue Britten et Chostakovitch

Palais des Beaux-arts, Bruxelles
- 5 septembre 2013
Teodor Currentzis en résidence à Bruxelles avec le Mahler Chamber Orchestra
© dr

Organisé en partenariat avec le Goethe Institut de Bruxelles, ce concert réunit au Mahler Chamber Orchestra le ténor anglais Ian Bostridge dans la Sérénade pour ténor, cor et cordes Op.31 de Benjamin Britten, puis le pianiste russe Alexander Melnikov dans le Concerto pour piano et orchestre en fa majeur Op.102 n°2 de Dmitri Chostakovitch.Enfin, l’orchestre seul joue la Symphonie en mi bémol majeur Op.70 n°9 du Pétersbourgeois. La salle Henry le Bœuf est comble (plus de deux mille places), le public détendu, l’ambiance assez bon enfant pour cette rentrée 2013 du BOZAR.

La Sérénade de Britten occupe manifestement une place spéciale dans l’œuvre du compositeur. Écrite à son retour des États-Unis, juste après les années de guerre en 1943, elle est considérée comme la première expression d’un engagement envers sa patrie et la culture anglaise. Composée autour de six poèmes couvrant quatre siècles de littérature anglaise et récités par un ténor, cette pièce magnifie également le cor qui l’ouvre, la ponctue et la clôt dans son expression la plus naturelle (jeu d’harmoniques sans piston). Seules des cordes composent les autres instruments qui jouent dans cette œuvre.

L’orchestre est dirigé par Teodor Currentzis, le talentueux mais controversé chef grec en résidence ici-même avec le Mahler Chamber Orchestra, qui ne laisse pas indifférent, ne serait-ce que par l’expressivité extrême qu’il recherche parfois dans les rythmes et les couleurs de tous les pupitres. Rien d’exagéré pourtant dans Britten, où la formation s’accorde avec Ian Bostridge (grand spécialiste du compositeur anglais) dans une belle harmonie, néanmoins sans éclat particulier.

Le Deuxième Concerto pour piano de Chostakovitch paraît moins convaincant. Dès les premières notes du piano, sous les doigts d’un Alexander Melnikov manifestement peu à l’aise, on est troublé par une certaine approximation rythmique dans la périlleuse concordance avec l’orchestre qui caractérise le premier mouvement, sans qu’on sache vraiment à quoi l’imputer. Empreint d’une grande mélancolie, l’Andante semble plus probant ; alors que le même hiatus rythmique s’installe dans l’Allegro conclusif, d’une écriture pourtant moins tourmentée que l’épisode initial.

La Neuvième de Chostakovitch est sans doute la pièce la plus réussie du concert. On sent le chef très à son affaire, libre de conduire tous les instruments avec feu et précision à la fois – nous l’applaudissions d’ailleurs récemment dans Lady Macbeth de Mzensk [lire notre chronique du 13 avril 2013]. Les pupitres s’y expriment ensemble ou à tour de rôle, avec une mention particulière pour les petites percussions et les vents, incroyablement présents, le tout dans des jeux de questions-réponses formidablement rythmés, avec des mouvements amples et harmonieux. Ainsi entend-t-on une belle palette de sentiments qui caractérise la musique du compositeur russe (exubérance, sarcasme, mélancolie, gravité), dans une œuvre pourtant mal accueillie par la critique lorsqu’elle fut révélée au public en 1945.

Notons que Teodor Currentzis et le Mahler Chamber Orchestra se produiront deux autres fois : en novembre 2013, avec le pianiste Leif Ove Andsnes, et en mars 2014 avec le soprano Sophie Karthäuser. Également au programme de cette nouvelle saison du BOZAR, on notera plusieurs perles parmi les « vétérans » – Claudio Abbado, avec l’Orchestra Mozart Bologna et en compagnie de la pianiste Martha Argerich (29 septembre), Grigori Sokolov (13 novembre), Radu Lupu (21 novembre) et Nelson Freire (26 février) –, les « accomplis » – Vadim Repin (7 octobre), Philippe Jaroussky (22 octobre), Cecilia Bartoli (24 novembre), Andras Schiff (8 décembre), Thomas Hampson (11 janvier) et Andreas Scholl (25 janvier) – ou les plus jeunes : Boris Giltburg, le lauréat piano du Concours Reine Élisabeth de Belgique 2013 (9 octobre), Julia Fischer (27 novembre) et Sergueï Khatchatrian (14 février 2014).

CA