Chroniques

par bruno serrou

Mahler et Chostakovitch par Mariss Jansons
Sinfonieorchester des Bayerischen Rundfunks

Théâtre des Champs-Élysées, Paris
- 18 décembre 2010
l'excellent Mariss Jansons dirige à Paris : Strauss et Chostakovitch au menu
© dr

Orchestre fabuleux que le Sinfonieorchester des Bayerischen Rundfunks, surtout dirigé par son chef titulaire, le Letton Mariss Jansons. Formation et chef élégants, charmeurs, précis, profonds, enthousiastes, virtuoses. Un programme extraordinairementdense et magistralement exécuté. Deux symphonies aux dimensions plus réduites que celles auxquelles leurs auteurs sont habitués, mais aux univers diamétralement opposés, bien que d’aucuns se complaisent à situer leurs signataires dans la même perspective, Chostakovitch et Mahler.

Ainsi, au contraire des deux symphonies qui la précédent et qui frôlent le tour d’horloge, la Symphonie en mi bémol majeur Op.70 n°9 (1945) de Dmitri Chostakovitch n’atteint pas la demi-heure et fait appel à un orchestre traditionnel. Les Septième et Huitième ayant été suspectées de contre-révolutionnaire et d’antisoviétisme, le public attendait donc que cette Neuvième soit un hommage au petit père du peuple et surpasse en grandeur la Neuvième de Beethoven. Or, il n’en fut rien, puisque Chostakovitch opta pour la légèreté qui reflète le soulagement de la victoire sur la barbarie nazie, le bonheur des soldats de pouvoir enfin retrouver leurs foyers. Ce dernier volet du triptyque des symphonies de guerre au caractère éminemment sarcastique et grinçant a été joué dans l’esprit primesautier du compositeur, avec une jubilation et un sens de la couleur époustouflants, par les Bavarois dont les chefs de pupitres sont extraordinaires d’allant et de virtuosité, dotés d’un sens de la couleur et de la musicalité qui confirment le rang de cette phalange parmi les plus grandes du monde.

En seconde partie, une magistrale interprétation de la Symphonie en sol majeur n°4 (1901) de Gustav Mahler, poétique, fine, chatoyante, merveilleusement structurée, jouée par un orchestre aux sonorités moelleuses et fruitées, dirigée avec un sens du détail inouï au service de la globalité du discours. Écouter dans la même semaine cette symphonie brutalement dirigée et exécutée au sens propre du terme par Valery Gergiev et l’Orchestre du Théâtre Mariinski [lire notre chronique du 13 décembre] puis par Mariss Jansons et l’Orchestre Symphonique de la Radio Bavaroise atteste combien les premiers ont de chemin à parcourir pour appartenir à la cour des grands, et combien Gergiev devra travailler les partitions de Mahler avant que d’en pénétrer véritablement le caractère, la profondeur, la dynamique, le nuancier, l’humanité tout en intériorité qui n’a rien à voir avec la violence brute, les élans et le pathos primitifs de Chostakovitch qu’en revanche Jansons comprend aussi bien que Gergiev.

La gestique du chef letton est toute en élégance et en ampleur souriante là où celle de l’Ossète est toute en sécheresse, en sérieux et en gestes saccadés, ce qui se retrouve bien évidemment dans le rendu sonore, avec des tempos respirant large, des couleurs et des timbres à la palette infinie avec le premier, des tempos suffoquant et un nuancier restreint avec le second, ce qui n’empêche pas chez l’un et l’autre un sens du drame captivant. Le soprano suédoise Miah Persson a magnifié le finale de cette sublime Quatrième. Un concert à marquer d'une pierre blanche (retransmis sur France Musique le 4 janvier à 20h).

BS