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Maria Egiziaca | Marie l’Égyptienne
mistero lirico d’Ottorino Respighi
Arrivée hier en la Sérénissime, je découvre ce soir au Teatro Malibran une nouvelle production par La Fenice d’un ouvrage d’une rareté absolu. Mistero lirico d’Ottorino Respighi en un acte et trois scènes sur un livret de Claudio Guastalla – le poète collabora à quatre créations du compositeur bolonais [lire nos critiques de Belfagor et de La campana sommersa] –, Maria Egiziaca (1931) fut créé par Respighi lui-même le 16 mars 1932 à New York, en version de concert. La première scénique eut lieu à Venise, au Teatro Goldoni, le 10 août 1932. Il s’inspire de la vie de la prostituée Marie d’Alexandrie racontée par l’hagiographe Domenico Cavalca, révélée, par l’apparition d’un ange, à la foi religieuse au Ve siècle, en Palestine. Abandonnant une existence dissolue, elle part en pèlerinage à Jérusalem, à la mémoire du sacrifice christique, puis se retire du monde dans le désert pour prier. Lorsqu’elle est aux portes de la mort, l’ermite Zosime et un lion lui viennent en aide pour creuser son tombeau. Avec un sujet pareil, le librettiste ne s’est pas privé de nombreuses niaiseries, toutes plus mièvres les unes que les autres, dans une langue lourdement alambiquée, loin de tout sens dramatique. À l’inverse, Respighi a concentré sa partition dans des réminiscences anciennes où se mêlent des relents grégoriens et un lyrisme puccinien, non dépourvu de sensualité. La proposition instrumentale déçoit tout de même, car le compositeur sut produire par ailleurs des orchestrations nettement plus riches. Une certaine théâtralité est néanmoins transmise par l’écriture vocale.
La brièveté – une heure et quart environ – est le principal atout de cette œuvre dont la postérité nous a épargnés. Ce n’est pas impérissable, mais, au moins, ce n’est pas non plus interminable. Préparé par Alfonso Caiani, le Chœur maison intervient hors scène d’où il transmet, avec grand talent, la parole divine. À la tête de l’Orchestra Filarmonica della Fenice, maestro Manlio Benzi [lire nos chroniques de la Deuxième Symphonie de Sibelius et de La bohème] soigne un phrasé enveloppant, soulignant à peine les archaïsme de la partition. On applaudit une interprétation efficace et sensible qui reste toujours très attentive aux chanteurs. Deux interludes symphoniques séparent les scènes, l’occasion pour la fosse de faire entendre d’autres ressources musicales.
Le plateau vocal défend honnêtement l’opéra. Le baryton-basse William Corrò paraît presque luxueux dans les petites mesures confiées à Une voix de la mer [lire notre chronique de La sonnambula]. Le soprano Ilaria Vanacore prête un timbre élégant à La voix de l’Ange. L’émission facile du jeune ténor Luigi Morassi rend remarquable le petit rôle du Second Compagnon, le Premier bénéficiant, quant à lui, de la légèreté bienvenue de son confrère Michele Galbiati. Respighi a écrit le rôle du Marin (qui chante également le Lépreux du Temple) pour un troisième ténor corsé, ce qu’assume parfaitement le vaillant Vincenzo Costanzo d’un organe généreux et assuré [lire nos chroniques d’Un ballo in maschera et de Macbet]. Le baryton très souple de Simone Alberghini offre de beaux moments en Zosimo. L’intonation est impeccable et l’expressivité interpelle le mélomane [lire nos chroniques de Semiramide, La Cenerentola et du Requiem de Maderna]. L’incarnation de Maria est une réussite totale, qui enthousiasme la salle : le soprano puissant au legato bien mené de Francesca Dotto est un régal qui fait beaucoup dans le succès de la soirée, de même que son grand sens du théâtre, à l’œuvre dans la caractérisation des trois âges du personnage [lire nos chroniques de Luisa Miller, Marino Faliero et Turandot].
On retrouve le vénérable Pier Luigi Pizzi aux commandes d’un spectacle sobre, calme même, qui stylise les lieux d’action sans la rendre abstraite. Ces diverses évocations sont nettement différentiées, sous une lumière très étudiée. Des petits détails dans la pose des corps, par exemple, suggère la charge érotique de la rencontre de l’héroïne avec les marins, puis, au contraire, l’épiphanie religieuse, pour finir dans une image simple de rédemption. On n’en sort pas bouleversée, mais pas mécontente non plus d’avoir abordé cet opus qui n’avait pas été donné à Venise depuis 1956.
KO