Chroniques

par bertrand bolognesi

Mauro Lanza et Raphaël Cendo
Champ d’Action

Musica / Cité de la Musique et de la Danse, Strasbourg
- 22 septembre 2009
le jeune compositeur italien Mauro Lanza photographié par Frédéric Desmesures
© frédéric desmesures

Voilà deux compositeurs nés la même année (1975) qui développent leur style à l’opposé, ce que l’ensemble flamand Champ d’Action s’attelle à démontrer avec ce programme croisé qui enserre le maniérisme de l’un dans la brutalité de l’autre.

L’un : le Vénitien Mauro Lanza, professeur et chercheur à l’IRCAM et à l’Université McGill de Montréal. L’on entend d’abord Erba nera che cresci segno nero tu vivi, une pièce écrite entre 1999 et 2001 pour soprano et sons de synthèse, empruntant aux Prime prose italiane d’Amelia Rosselli (1954). Force est de reconnaître qu’une fois de plus, la performance vocale de Donatienne Michel-Dansac est superbement menée. L’œuvre n’en paraîtra pas moins pauvre, pourtant, truffée de couleurs new age – certes, tout matériau se révèlera bon à qui invente… Plus récent, Aschenblume (2002) pour ensemble évite adroitement ce travers, sans pour autant parvenir à retenir l’écoute sur un surplace assez terne. Pourtant, malgré ce ton boudeur, il nous semble pouvoir percevoir dans ces deux pièces une promesse dont l’éclosion serait à guetter.

Régulièrement présent dans la « contemporaine », Raphaël Cendo, aujourd’hui sur le chemin de Rome (Villa Médicis), a, jusqu’à présent, favorablement frappé. On connaît sa puissance, le paroxysme des saturations dont il fait volontiers usage, et la hargne de son geste. Dans Action Painting, conçue il y a cinq ans, captive le frémissement de la découverte du soi musicien [lire notre chronique du 11 septembre 2005]. Mais Action Directe, de 2007, déçoit par l’académisme auto-complaisant qui le menace, répétant et clamant stérilement sa manière. L’énergie est bel et bien au rendez-vous, cette énergie particulière de Cendo, mais cruellement doublée soit d’un enfermement naïf soit d’une pose suffisante. Et lorsqu’on en aura dit la grande cadence solistique (clarinette basse) fleurant son vieux concerto, le lecteur pourrait bien être tenté de conclure lui-même.

Construire son œuvre n’est pas chose aisée ; à trente-cinq ans, nul doute que l’artiste, s’il peut avoir quelque nécessité de se reposer un peu dans le confort d’un style que nous aimons à ne croire que momentanément immobilisé, est loin d’avoir déjà tout dit. Patience, donc.

BB