Chroniques

par bertrand bolognesi

Mendelssohn | Symphonie Op.52 n°2 « Lobgesang »
Andrés Orozco-Estrada dirige l’Orchestre national de France

Théâtre des Champs-Élysées, Paris
- 6 novembre 2014
Andrés Orozco-Estrada joue Mendelssohn et Schubert à la tête de l'ONF
© martin sigmund

Il est des concerts qu’on attend plus que d’autres – pour une voix, un chef, un orchestre, une acoustique, etc. Après bien des soirées de musique ici et là, c’est encore et toujours l’œuvre qui nous fait arpenter pavés, rails et cieux. Ainsi de cette trop rare Symphonie en si bémol majeur Op.52 n°2 « Lobgesang » composée par Félix Mendelssohn à la fin des années 1830 et créée en grande pompe à Leipzig en juin 1840, pour le quatrième centenaire de l’invention de l’imprimerie dont l’aspect musical des festivités fut confié au musicien lui-même. Convoquant trois solistes vocaux, un grand chœur et un orchestre dont toutefois nul gigantisme frappe les proportions, ce « Deutsches Te Deum « (pour reprendre l’expression apparue sous la plume de plusieurs commentateurs, à la fin du XIXe siècle) fréquente peu nos salles – aussi pourrait-on tout aussi bien dire que nos salles ne le fréquentent guère, sans parler des décideurs et des artistes eux-mêmes, les uns et les autres s’en tenant, la plupart du temps, aux programmes les plus routiniers.

Pour commencer, projetons-nous en 1815 ; Mendelssohn a six ans, Schubert en compte à peine dix-huit. Il signe sa Symphonie en ré majeur D200 n°3… qu’il n’entendrait jamais. Après une Ouverture (Adagio maestoso) de fine ciselure quoique sertie en un amble assez lourd, le premier mouvement démarre sur des chapeaux de roues (Allegro con brio), rehaussé par une clarinette délicieusement gracile. Une amabilité convenue, qu’on pourrait dire de prêt-à-porter, mène l’Allegretto dont Andrés Orozco-Estrada dessine l’écriture chambriste. De même avance-t-il dans un Menuetto de bon aloi. Contrastes, échos, répons et contrepoints, tous les jeux paraissent un peu forcés dans le Presto final, technique dernier cri « de belle fabrication », sous une battue lisible – au moins : quand tant d’écervelés brassent d’infâmes mayonnaises, c’est appréciable ! –, « apprise » même. La musique ? Une autre histoire, croyons-nous.

Passé cet amuse-bouche, la Sinfonia commence. Mais que font donc les trombones de l’Orchestre national de France ? Ça ne se dit pas… Les quatre sections de ce premier mouvement bénéficient d’une lecture des plus prudentes, peut-être un rien statique, parfaitement irréprochable, en tout cas. On en remarque pourtant l’alerte Allegretto, élégant à plaisir, et l’équilibre de l’Adagio dont le religioso se comprend en toute humilité : ni pesant ni léger.

« Alles, was Odern hat, lobe den Herrn » ; au Chœur de Radio France de faire son entrée. Pour en admirer la saine masse chorale, on n’en taira cependant ni le morflat dictionnel (un tel allemand, c’est inuit) ni la crudité des ténors, bleus. On en goûte ensuite l’approche sensiblement nuancée (« Die Nacht ist vergangen der Tag aber herbei gekommen »), ainsi que l’évidente autorité de l’ultime intervention. Le soprano chilien Carolina Ullrich semble en-deçà du format nécessaire. En revanche, le ténor Maximilian Schmitt possède assurément le timbre idéal pour servir l’œuvre. Après des premiers pas étrangement tremblés, il s’affirme nettement plus à son aise au fil de l’exécution. Souvent salué par nos pages [lire notre critique du 21 janvier 2012 et nos critiques DVD et CD], le soprano Christiane Karg convie un style efficace et une couleur savoureusement fraîche. Enfin, l’approche du chef colombien, entendu tout récemment dans Mahler [lire notre chronique du 1er novembre 2014] est indéniablement plus expressive qu’avant l’entracte. Loin d’être vraiment comblée, l’attente n’est donc pas déçue.

BB