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Chroniques
Michelangelo Falvetti | Dialogo del Nabucco
Chœur de Chambre de Namur, La Cappella Mediterranea
L’exhumation de son opéra Il diluvio universale, complètement oublié depuis sa création, en 1682, a ramené à la surface le nom du compositeur italien Michelangelo Falvetti (1642-1692), lui-même tout aussi oublié. Le mérite en revenait au jeune chef argentin Leonardo García Alarcón et à l’audace du Festival d’Ambronay, lequel prolongea le plaisir du mélomane par un enregistrement paru dans la collection qu’il a initié, avec l’aide du Conseil général de l’Ain. Deux ans plus tard, bénéficiant du travail mené, séparément, par deux musicologues italiens, Fabrizio Longo et Giampiero Locatelli, le maestro sud-américain revient au compositeur calabrais, via un autre de ses rares ouvrages lyriques conservés, le Dialogo del Nabucco, oratorio créé pour sa part un an plus tard, en 1683.
Une nouvelle exhumation, donc, ouvrant l’édition 2012 du festival, qui offre bien des séductions, révèle bien des beautés, mais n’atteint toutefois pas – et de beaucoup – les sommets de la découverte précédente. Les caractéristiques purement musicales et dramaturgiques de l’ouvrage, la restitution que nos (estimables) musicologues ultramontains ont construite, la palette sonore, explicable mais discutable, que notre sémillant chef s’est permis de rajouter, enfin – et surtout –, à côté d’une exécution tant instrumentale que chorale superbe, une distribution vocale hétérogène autant que dépenaillée : autant d’interrogations doublant la restitution de cette rareté.
Puisant dans le Livre de Daniel, l’œuvre de Falvetti pour la musique et de Vincenzo Giattini pour le texte s’avère soigneusement élaborée, finement concoctée, privilégiant volontiers le récitatif développé en une forme syllabique toute simple, par rapport à la ritournelle avec reprise ornée et autres conventions vocales de l’époque. La scène du sommeil (agité) de Nabucco en est un bel exemple, tout comme l’introduction développée par le subtil tissu de l’orchestre et précédant le vif dialogue de trois divinités. Autre originalité, subtile mais parfois un peu trop intimiste et monotone : les arie confiées aux solistes sont (trop ?) souvent soutenues par le seul continuo, ce qui conduit à une uniformité quelquefois languissante. Mais surtout, il y a l’adjonction dans l’orchestre de ce que le texte introductif du programme, largement laudatif quant au chef, qualifie « d’instruments provenant des traditions musicales arméniennes et turcopersanes », ce « qui en recrée », en toute simplicité, « en reconstruit avec une extrême compétence, les atmosphères et les climats les plus secrets, grâce à l’inépuisable palette de couleurs et de timbres qu’Alarcón réussit à obtenir des chanteurs… et de tous les musiciens ». Que dire de plus ? Sinon qu’on se demande quelle partition entendit vraiment le public en l’an de (dis)grâce 1683… probablement sans duduk et sans kaval.
Reste la prestation souple, déliée et homogène des musiciens de La Cappella Mediterranea ainsi que celle du toujours excellent Chœur de Chambre de Namur, sous la direction attentive, vivante, vibrante et charmeuse du chef. Si, comme c’est vraisemblable, il a lui-même choisi la distribution vocale, on ne peut toutefois pas l’en féliciter totalement. Trop de disparités au sein des lignes de chants diverses et variées chez les uns ; trop de disparités dans l’émission, tranchante chez certaines, bétonnée chez d’autres ; trop de confidentialité chez des Messieurs… Du coup, à côté d’un contre-ténor à bout de souffle et d’une Idolatria au chant pas vraiment adorable et des aigus en toile émeri, le Nabucco du ténor Fernando Guimarães sauve les meubles. Son Per non vivere infelice est un moment privilégié… que l’on retrouvera avec plaisir sur le disque (déjà enregistré).
GC