Chroniques

par hervé könig

Minnesota Orchestra, Inon Barnatan et Osmo Vänskä
œuvres de Bernstein, Gershwin et Ives

The Proms / Royal Albert Hall, Londres
- 6 août 2018
Leonard Bernstein en 1959, trois ans après la création de Candide à Broadway
© dr

Depuis 2002, Osmo Vänskä est le patron du Minnesota Orchestra. C’est justement cette formation qui, à la veille d’une tournée en Afrique du Sud, se produit lors de notre seconde soirée aux Proms de Londres – pour ma part [lire notre chronique de l’avant-veille], une collègue ayant avant moi rendu compte de deux concerts [lire nos chroniques des 20 et 21 juillet 2018] –, dans un programme entièrement nord-américain que dirige le Finlandais. En 1956, Leornard Bernstein a conçu une operetta en deux actes d’après le célèbre conte philosophique de Voltaire, Candide [lire notre critique du CD ainsi que notre chronique du 29 décembre 2016]. Bien qu’elle n’ait pas connu le succès lors de sa création à Broadway en décembre de la même année, son Ouverture est vite devenue un classique apprécié des chefs comme du public. Quoi de plus naturel, pour une phalange comme le Minnesota Orchestra en visite en Angleterre, que de commencer ce programme par un hommage enjoué à Bernstein [photo] dont on fête cette année le centième anniversaire de la naissance ? Après un lancement pétaradant et très vendeur, développant même une marche grotesque façon cartoon, un thème tendre pourrait bien provenir d’une manière russe importée. Après le retour du premier thème, une danse vraiment musical achève ce morceau des plus publiques. L’interprétation possède ce qu’il faut de peps et de bonne humeur.

Trois décennies auparavant, toujours à New York (Carnegie Hall), le Polonais Walter Damrosch dirigeait la première du Concerto en fa qu’il avait commandé à George Gershwin juste après avoir entendu sa fameuse Rhapsody in blue. Le compositeur tient la partie soliste. Contrairement à Candide, l’œuvre triomphe ! Ce soir, elle est confiée aux doigts de l’Israélien Inon Barnatan. Assez lourde, l’introduction est une espèce d’annonce qui n’aurait pas déplu à Barnum. Avec l’arrivée du piano, un autre ton prend le relais. Et là, l’inspiration à la fois glamour et mélancolique de Gershwin est tout bonnement superbe. Les cordes du Minnesota Orchestra soutiennent généreusement la partie lyrique du soliste. Au fond, c’est si bien fait qu’on se laisse aller, comme devant un film sentimental de l’après-guerre. La danse guette toujours, avec ses chics opulences. Passé cette ronde séductrice, d’ailleurs applaudie par la salle, le mouvement central, Adagio puis Andante con moto est richement coloré par la trompette puis les clarinettes, dans une nonchalance délicieuse qu’Osmo Vänskä offre à savourer. Barnatan arrive alors presque comme un faire-valoir de l’orchestre, avant de porter un thème sautillant. Tout cela est très joli, au moins ! Dans son bref solo, le pianiste joue à fond la carte piano bar dans le rubato et l’utilisation copieuse de la pédale. L’orchestre le lui rend bien, par une sonorité souvent old fashioned – on adore ! Les bondissements de l’Allegro agitato, suite de variations, couronnent le concerto. Pour remercie l’enthousiasme du public, le soliste offre une variation composée par le pianiste Earl Wild sur I got rythm, chanson de Gershwin extraite de la comédie musicale Treasure Girl.

L’entracte terminé, retrouvons l’orchestre étasunien qui mène à son terme le concert avec la Symphonie n°2 de Charles Ives : la boucle est bouclée, puisqu’elle fut créée par Bernstein à la tête du New York Philharmonic, le 22 février 1951, bien qu’écrite beaucoup plus tôt. Elle cite de nombreuses chansons américaines, comme Turkey in the Straw, Camptown Races et bien d’autres, qu’elle fait évoluer et qui y côtoient une Invention de Bach, un soupçon de la Symphonie en ut mineur Op.68 n°1 de Brahms et même La mort d’Isolde de Wagner. Des cordes très douces commencent l’Andante moderato néoclassique dans une nuance choisie. Après une arche crescendo, la rupture, typique dans l’esthétique du collage – c’est bien celle d’Ives –, épice l’Allegro, plutôt amusant. Vänskä donne d’abord de l’amabilité à l’Adagio cantabile, puis une solennité progressive. Son approche du Lento maestoso est impressionnante par son intensité et son lyrisme. Littéralement, il fait danser l’Allegro molto vivace comme une tocade bien américaine, cette fois, avec son final à rallonge !

HK