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Chroniques
motets de Froberger et oratorio de Bertali
Département de musique ancienne, Thierry Maeder
Les partenariats entre les institutions offrent parfois un bel exemple de transversalité qu'illustre le Musée de l'Armée, aux Invalides. Depuis plusieurs saisons, les uniformes et la mémoire napoléonienne n'en oublient pas pour autant les semences du Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris et la tradition des contrepoints thématiques, les expositions de l'institution au dôme doré offrant, en ce lundi de décembre, une tribune au Département de musique ancienne, sous la houlette de Thierry Maeder, son directeur pédagogique – et artistique, quant à la formation présentée salle Turenne.
Dans la continuité de son cycle Guerres secrètes, le musée invite à un voyage au cœur de la diplomatie du Grand Siècle et de la Guerre de Trente ans, coïncidant avec la célébration du quatre-centième anniversaire de Froberger – auquel Royaumont avait déjà rendu hommage cet automne [lire notre chronique du 2 octobre 2016]. Ce virtuose cosmopolite du clavier, attaché auprès de l'empereur Ferdinand III Habsbourg (et tenu en haute estime par Bach, entre autres) a également légué quelques motets, nettement plus méconnus. Ce qu'il en reste tient dans les deux pages interprétées aujourd’hui par Maeder et ses musiciens : Alleluia absorta est mors et Apparuerunt apostolis. La basse Olivier Gourdy, de saine intégrité, nonobstant la jeunesse, assume la progression du discours quand ténor et soprano participent de la texture contrapuntique et de sa dynamique liturgique.
Si le public peut goûter là une probable première parisienne, l'exhumation de La strage degl’innocenti d’Antonio Bertali – contemporain de Froberger, lui aussi lié au souverain dont il fut le maître de chapelle – constitue vraisemblablement une création française. Écrit pour cinq voix, l'oratorio traite un sujet alors très en vogue, celui du massacre des enfants de Judée ordonné par le roi Hérode au moment de la naissance de Jésus, menace pour son trône. Concentrée sur les avis des conseillers, la première partie privilégie la vigueur dialectique rehaussée par le caractère de trois courtisans. Incisif dans le premier et empreint de modération pour le troisième, Paco García ménage un contraste efficace entre ses deux incarnations, tandis que, de son alto convenablement projeté, Paul-Antoine Benos restitue la cruauté du deuxième ministre face à un monarque borné, avide d'autorité, campé par Olivier Gourdy. Le premier acte s'achève sur une bataille aussi serrée dramatiquement qu'harmoniquement.
Le second tableau change radicalement de registre : le ton élégiaque s'exprime dans les implorations des trois mères, dévolues à Cécile Madelin et Mariamielle Lamagat, qui s'unissent dans un trio émouvant. Avec un effectif réduit, Thierry Maeder parvient à restituer l'agilité expressive de la partition sans céder à une schématisation des couleurs.
GC