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Mythologies
ballet d’Angelin Preljocaj – musique de Thomas Bangalter
La création Mythologies d’Angelin Preljocaj est l’aboutissement d’un partenariat au long cours entre sa compagnie et le Ballet de l’Opéra national de Bordeaux, collaboration initiée à un moment où la pérennité de la deuxième compagnie française de ballet en blanc, après le Ballet de l’Opéra national de Paris – en référence à la couleur du tutu pour désigner les compagnies classiques par rapport à celles ayant une identité axée sur la danse contemporaine – était remise en question par certains. En faisant appel à Angelin Preljocaj, Éric Quilleré et l’institution girondine avait trouvé un chorégraphe majeur d’aujourd’hui qui est l’un des meilleurs ponts entre les langages classiques et contemporains, réinventant le premier avec les ressources du second. Au fil de l’échange triennal, allongé d’une quatrième année en raison de la crise sanitaire, le ballet bordelais a inscrit plusieurs pièces de Preljocaj à son répertoire – Blanche-neige, La Stravanganza, Ghost. Écrit pour vingt danseuses et danseurs répartis à égalité entre les deux institutions, Mythologies témoigne du partage d’une grammaire chorégraphique commune.
L’économie de la scénographie dessinée par Adrien Chalgard, sur laquelle s’appuie le kaléidoscope de plus d’une vingtaine de tableaux qui compose la pièce, sert d’écrin à une gestuelle vivante mêlant le foisonnement et le rituel pour former des séquences saisissantes, parfois bien reconnaissables, telles les Amazones, les Gorgones ou le Minotaure. Sans recourir à une linéarité narrative, le spectacle file les images et les séquences avec une admirable fluidité, dans une perpétuelle métamorphose où ensembles, solos et entrées modèlent une matière imaginaire mouvante, au cœur de la singularité de l’expression chorégraphique. La puissance évocatrice des lumières d’Éric Soyer, complétée par les ajouts vidéos réalisés par Nicolas Clauss, affirme une intemporalité légendaire contrebalancée par l’actualisation forte et ludique défendue par les matières des costumes qu’a dessinés Adeline André. L’absence de distribution de la trame dans la brochure de la soirée, liée en partie à des réglages de dernière minute remettant en cause l’ordre des numéros, contrarie un peu l’immersion dans un propos nourri de références qu’il renouvelle.
Mais la création de Preljocaj n’est pas une simple première de danse. Elle a été conçue solidairement avec une commande musicale de l’Orchestre national Bordeaux Aquitaine, engageant ainsi l’ensemble des forces artistiques de la maison. Venu de l’électro, Thomas Bangalter, l’un des membres du duo Daft Punk, Thomas Bangalter a composé pour Mythologies sa première partition symphonique. Conçue comme des boucles et des stases dans un croisement d’influences entre les formes à variations baroques et les inerties mobiles du minimalisme répétitif, celle-ci ne se contente pas de former un substrat non dénué de lancinances, mais contribue également à l’unité du tissage visuel et narratif. Sous la direction de Romain Dumas, sa nature fonctionnelle, qui s’articule autour de certaines figures et associations de couleurs orchestrales assez fixées, dépasse l’utilitaire, et participe à la poésie singulière de ces Mythologies, qui tourneront à la rentrée sur Biarritz (8 et 9 septembre), Lyon (du 14 au 18), Antibes (les 29 et 30), Aix-en-Provence (du 5 au 8 octobre), Rouen (du 14 au 16), avec une dizaine de dates à Paris, au Théâtre du Châtelet (du 22 octobre au 3 novembre).
GC