Chroniques

par irma foletti

Nabucco | Nabuchodonosor
opéra de Giuseppe Verdi

Opéra national de Montpellier / Corum
- 20 mai 2018
reprise à Montpellier du Nabucco (Verdi) de John Fulljames
© marc ginot

Le spectacle de John Fulljames a été créé à Nancy en 2014, coproduction entre la maison lorraine et l’Opéra national de Montpellier. Pour les représentations actuelles, le metteur en scène britannique, pleinement occupé à Lyon au même moment par la création mondiale de Germania d’Alexander Raskatov, a confié la reprise de sa réalisation à Aylin Bozok. Le décor unique de Dick Bird est assez énigmatique, quelque part dans une vaste demeure, entre palais et synagogue, avec un grand balcon et des arcades à l’étage. Le lieu, qu’on imagine autrefois resplendissant, est aujourd’hui dans un triste état avec ses vitres cassées et quelques étais qui remplacent des poteaux disparus, pour soutenir le plancher de l’étage.

Un vieux monsieur, qui sera présent à peu près en permanence, entre pendant l’Ouverture, éclaire les recoins au moyen d’une lampe de poche, puis ramasse des chaises tombées. Il porte la kippa, tout comme les choristes qui le rejoignent, en compagnie d’enfants qui arborent le plus souvent un masque doré. Le Temple de Salomon est figuré par une maquette, en feu à la fin du premier acte, et la lutte entre Hébreux et Babyloniens est évoquée par de courts affrontements entre une tête de cheval blanc et celle, dorée, d’un taureau. Ceci nous vaut d’ailleurs les seuls petits instants d’humour de la soirée, lorsque les charges répétées d’un comparse qui manie la tête du taureau évoquent irrésistiblement des mouvements de corrida, ou encore quand Nabucco caresse la tête du cheval au III – il faut dire qu’il n’a plus tous ses sens à ce stade de l’ouvrage. Ce décor est certes impressionnant, et on imagine qu’il trouve bien ses marques sur le grand plateau du Corum, mais il induit tout de même un statisme certain.

Heureusement, la distribution vocale est très relevée, à commencer par l’Abigaille torrentielle de Jennifer Check : instrument très large, musicalité jamais prise en défaut, suraigus particulièrement puissants, mais aussi graves bien exprimés, dans une qualité homogène du timbre, cette chanteuse a l’avenir devant elle… à condition de ne pas se brûler la voix prématurément ! Les sauts d’octave sont enthousiasmants et les cantilènes chantées avec sentiment, ses limites demeurant les rares traits d’agilité à exécuter dans les cabalettes où la souplesse vocale et la rapidité d’exécution sont réduites. En Nabucco, Giovanni Meoni démarre dans un volume restreint, un chant propre mais prudent, voire timide. En fait, cette projection excessivement mesurée se vérifiera sur l’ensemble des actes, privant en grande partie le roi de Babylone de son charisme et déséquilibrant les ensembles, plus spécifiquement les confrontations avec la volcanique Agibaille. Plus élégant que véritablement mordant, on le trouve logiquement à son meilleur dans les douces mélodies, comme le Dio di Giuda émouvant au quatrième acte, tandis qu’il frôle l’accident quand il pousse la note dans le passage plus enlevé qui suit, O prodi miei seguitemi. La basse Luiz-Ottavio Faria compose un superbe Zaccaria au creux bien marqué dans le grave et à l’extension maîtrisé vers l’aigu. Sa prière Vieni, o Levita a beaucoup d’impact, tandis qu’il doit un peu s’accrocher pour assurer la cadence rapide de Come notte a sol fulgente. Le ténor Davide Giusti (Ismaele) fait entendre une jolie couleur méditerranéenne, mais paraît pousser ses moyens au détriment de la précision de l’intonation. En revanche, Fleur Barron (Fenena) projette sa somptueuse voix de mezzo avec une vigueur naturelle ; elle finit en larmes dans sa dernière scène, montrant une émotion à fleur de peau. Dans les trois rôles secondaires, David Ireland (Grand Prêtre), Nikola Todorovitch (Abdallo) et Marie Sénié (Anna) sont bien en place.

Au pupitre, Michael Schønwandt, chef principal de l’Opéra Orchestre national Montpellier Occitanie, entame l’Ouverture avec lenteur et rend solennels les premiers accords joués par les cuivres. L’enthousiasme gagne par la suite, mais également le volume sonore avec lequel solistes et choristes doivent parfois lutter pour se faire entendre. Les instrumentistes, en tout cas, se montrent irréprochables, aussi bien les cuivres, répartis à plusieurs reprises de part et d’autre du balcon (ce qui produit d’intéressants effets acoustiques), que les bois ou encore les cordes – magnifiques, par exemple, dans l’introduction puis l’air de Zaccaria Vieni, o Levita. Le Chœur, enfin, après un réglage de la stabilité dans la nuance piano en début de concert, fait preuve de cohésion et de professionnalisme, en particulier dans le très attendu Va’, pensiero. Répondant aux acclamations du public au rideau final, l’air est rejoué, en compagnie des solistes qui ne font pas semblant de chanter !

IF