Chroniques

par irma foletti

Nabucco | Nabuchodonosor
opéra de Giuseppe Verdi

Festival dell’Arena di Verona / Théâtre antique, Vérone
- 17 août 2023
Reprise du NABUCCO de Gianfranco de Bosio (1991) aux Arènes de Vérone...
© ennevi | arena di verona

Le célèbre Festival dell’Arena di Verona fête, cette année, sa centième édition avec une programmation particulièrement riche. Si les titres restent confinés dans la liste de ceux capables d’attirer le plus large public, leur quantité est sensiblement plus généreuse que pour les éditions précédentes. Outre Il barbiere di Siviglia et l’incontournable Carmen, ce sont ainsi quatre ouvrages de Verdi qui sont à l’affiche – Aida, Rigoletto, La Traviata et Nabucco – ainsi que Tosca et Madama Butterfly de Puccini. Plusieurs concerts de gala sont aussi proposés : Juan Diego Floréz, Plácido Domingo le 6 août – débuts au festival… en 1969 ! – et Jonas Kaufmann, ainsi que le concert de La Scala (31 août).

Opéra parmi les plus populaires, Nabucco fait arène comble, repris ce soir dans la production de Gianfranco de Bosio (1924-2022) [lire nos chroniques de Tosca, Otello et Carmen] créée in loco en 1991. Le traitement en est assez traditionnel, dans les décors monumentaux du scénographe et architecte Rinaldo Olivieri (1931-1998) qui utilise au mieux l’espace considérable. Seul bémol, les changements de décors successifs et l’insertion de trois entractes entre les quatre actes de l’opus finissent par transformer les deux bonnes heures de musique verdienne en une soirée interminable de plus de trois heures et trente minutes. Cette réserve mise à part, le grand spectacle fonctionne à plein, comme à l’entrée de Nabucco poussé sur un char à deux dragons qui émerge de la fumée, ou encore au dernier acte quand la tour de Babel se disloque en fond de plateau en laissant émerger fumée et rayons de lumière. À noter, les beaux et riches costumes aux tons variés qui habillent avec goût Assyriens, soldats, Juifs et rôles principaux.

La distribution est solide, en commençant par le baryton italien Luca Salsi dans le rôle-titre, sonore et bien timbré, accompagné toutefois d’un vibrato par instants un peu envahissant [lire nos chroniques d’Euryanthe, Luisa Miller, Macbet, Simon Boccanegra, Il trovatore et d’Andrea Chénier à Paris, Munich et Milan]. C’est le cas au cours des séquences de fureur, ses meilleurs moments étant sans doute les plus calmes, comme l’air conclusif Dio di Giuda. Maria José Siri compose une Abigaille d’une certaine envergure, aux aigus et suraigus bien projetés – certains très légèrement au-dessus de la note – et aux graves qui sonnent parfois avec un brin d’outrance bien en ligne avec le personnage. On apprécie également ses passages en mezza voce (par exemple à l’Acte II, Anch'io dischiuso un giorno), mais la souplesse vocale est trop peu développée dans les rares passages d’agilité et l’abattage en devient réduit dans les moments de colère [lire nos chroniques d’Attila, Madama Butterfly, Messa da Requiem à Berlin puis au Bregenzer Festspiele, enfin d’Il trittico]. La basse Rafał Siwek assure avec fermeté le rôle de Zaccaria, à défaut d’éclat particulier ou de fulgurance. L’instrument est suffisamment vigoureux, sauf pour les notes les plus graves, moins généreuses en décibels [lire nos chroniques de Król Roger, Eugène Onéguine, Rigoletto et Lucia di Lammermoor]. En Ismaele, le ténor Riccardo Rados est une belle découverte : particulièrement vaillant, le chanteur possède un timbre méditerranéen agréable et homogène sur toute la tessiture… il n’est pas impossible de l’entendre en Radamès, par exemple, lors d’une prochaine édition du festival. Nous connaissions le mezzo Vasilisa Berzhanskaya dans Rossini, au timbre riche et au volume important qui convient à une représentation en extérieur. Bien que le rôle soit assez modeste, elle développe ces qualités en Fenena, mais avec de légères fragilités dans l’air du quatrième acte [lire nos chroniques de La dame de pique et de Moïse et Pharaon à Pesaro puis à Aix-en-Provence].

Il faut tirer un coup de chapeau au chef Alvise Casellati qui maintient une bonne coordination de l’ensemble des musiciens et choristes de la Fondazione Arena di Verona. Les soli instrumentaux (la flûte, souvent) sont de belle qualité, tout comme le son produit par le chœur. Le Va', pensiero du troisième acte est évidemment très attendu et, reconnu par le plus grand nombre, c’est le moment où une myriade de téléphones portables sont sortis à bout de bras pour filmer ou photographier. Quelques courageux continueront leur reportage pendant le bis, accordé très rapidement par le chef et sans vraiment grand suspense. Il faut reconnaître que ce chœur est d’une grande beauté, chanté par tous ces artistes qui s’alignent sur la largeur de l’immense plateau… dommage que des spectateurs applaudissent, à deux reprises, avant l’extinction de la dernière note.

IF