Chroniques

par bertrand bolognesi

Nelson Freire, Sinfonia Varsovia et Péter Csába
œuvres de Chopin et Mendelssohn

Festival International de Piano de La Roque d'Anthéron / Parc du Château de Florans
- 8 août 2007
à La Roque d'Anthéron, le 2ème de Chopin par Nelson Freire
© sylvain couzinet-jacques

Entendus avec plaisir dimanche soir [lire notre chronique du 5 août 2007], les musiciens de Sinfonia Varsovia font une nouvelle fois les délices de cette soirée, quittant le classicisme mozartien pour le romantisme, puisqu'à sa manière le menu qu'ils proposent se concentre sur 1829. Cette année-là, Chopin composait son Concerto pour piano n°2, tandis que Mendelssohn ébauchait sa Symphonie n°3 lors d'un voyage en Écosse qui devait inspirer l’Ouverture dont use ce concert, Les Hébrides.

Au pupitre, Péter Csába impose une légèreté fluide à une lecture qui peu à peu avance sa barque plus en profondeur, presque sournoisement, pourrait-on dire, vers la grotte de Fingal. Sans prendre excessivement appui sur les cordes graves ou la tentante rutilance des cuivres, sa vision se caractérise par une élégance qui dessine les climats sans jamais en forcer le trait. On ne parlera pas de couleur mais, plus précisément, d'une clarté quasi édénique, dépourvue de tout effet de manches. La chaleur du duo de clarinettes s'y laisse remarquer, ainsi que la tendresse du répons des violoncelles, l'exécution se concluant dans une tonicité jouissive mais non péremptoire.

La seconde partie est entièrement consacrée à la Symphonie en la mineur Op.56 n°3 « Écossaise » que le maître du Gewandhaus achevait treize ans après sa féconde escapade britannique. Le chef en révèle la forme et le lyrisme, sans trop y sacrifier, posant un Adagio relativement svelte après lequel le Finale n'en paraît que plus bondissant.

Sans conteste, l'interprétation du Concerto en fa mineur Op.21 n°2 de Chopin (joué après Les Hébrides) s'inscrira pour longtemps en nos souvenirs. Au Maestoso initial Péter Csába suggère une approche sainement chambriste dont les équilibres sont soigneusement dosés. Le piano assoie sa détermination sur un ton fermement décidé mais une sonorité jamais heurtée – c'est bien là le secret de Nelson Freire ! Le velours est omniprésent, dans une remarquable souplesse d'articulation, sans déroger à la régularité. Inventant avec verve sans se laisser gagner par le moindre maniérisme, l'artiste ménage à la sonorité une rondeur qui fait fi des ruptures de registres, l'enveloppant plus encore de soies précieuses dans le beau Larghetto qu'il colore discrètement (annonçant Debussy, donné plus tard en second bis). S'il détend le tactus, c'est toujours sagement, sans distiller le mouvement. De même préserve-t-il ce moelleux, au plus fort du veloce à l'irrésistible impulsion dansée, dans un final aimable, invraisemblablement nuancé et fleuri.

BB