Chroniques

par laurent bergnach

Neues vom Tage | Nouvelles du jour
opéra de Paul Hindemith

Opéra de Dijon / Grand Théâtre
- 17 décembre 2009
© gilles abegg

Opéra loufoque (lustige Oper) en trois parties, Neues vom Tage (Nouvelles du jour) est créé à la Kroll Oper de Berlin, le 8 juin 1929, à une période où Paul Hindemith (1895-1963) n’est pas encore mis à l’index par les nazis. En effet, des œuvres comme Cardillac (1926) [lire notre chronique du 14 octobre 2005] ou Hin und Zurück (1927) [lire notre chronique du 16 octobre 2009] marquant un rapprochement de la Nouvelle Objectivité (Neue Sachlichkeit), leur auteur est vite assimilé au « bolchévisme culturel », au point de connaître la censure, tout d’abord – officielle et définitive à partir de 1936 –, puis l’exil. Mais, dans une Allemagne abîmée par la Première Guerre Mondiale, qui aime désormais traiter de sujets d’actualité sur ses scènes lyriques (Křenek, Rathaus, Weill, etc.) en s’éloignant du romantisme et de l’expressionnisme (Bruno Giner nous rappelle qu’en cette même année 1929 se présentait au public une Senta en simple jupe et pull-over), comment se retenir de mettre au service de l’art son goût pour la parodie, le cynisme et la critique sociale ? Tout cela se trouve dans Neues vom Tage (sur un livret de Marcellus Schiffer) que l’on découvre aujourd’hui en France dans sa version originale précédant la révision (1954).

Jeune couple à la mode, Eduard et Laura se disputent régulièrement au point d’envisager le divorce et d’entraîner dans ce projet leurs amis, Herr und Frau M., pourtant tout juste revenus de voyage de noces. Afin de donner aux plaignants un solide motif de rupture, le Bureau des Affaires Familiales leur propose les services d’Hermann, joli cœur qui joue l’amant de service. Suite à un rendez-vous de pacotille au musée, ce dernier tombe réellement amoureux de Laura tandis qu’Eduard, fou de jalousie, brise une Vénus trois fois millénaire. Eduard en prison, Laura harcelée par Hermann, les médias font recette et des managers incitent les protagonistes à en faire de même en mettant en scène ce scandale. Désormais plus amoureux que jamais, les intéressés doivent cependant afficher des querelles imaginaires, pour maintenir l’intérêt du public. Fichés et fichus, ils concluent avec amertume : « Nous ne sommes qu’un reportage ».

Dans des décors faméliques, jouant sur une gamme de couleurs rétro (noir, gris blanc), Olivier Desbordes offre à l’ouvrage une mise en scène sans temps mort mais sans réelles surprises, qui trouve son point d’orgue peu avant la fin : en clone de sa voisine, les choristes-secrétaires s’installent au premier rang de l’orchestre, tandis que Laura et Eduard s’insultent et chantent, dans une ambiance de music-hall, ce « quelque chose d’érotique » qui accompagne l’amour. En fosse, Thomas Rösner tire de cet épisode toutes ses couleurs weilliennes, contrastant vivement les autres (vraies) scènes de ménage ou de scandale – telle celle, « affreusement moderne », de deux femmes et un homme surpris dans la même salle de bain !

La distribution vocale s’avère malheureusement déséquilibrée.
Si Theresa Kronthaler (Frau M.) et Matthias Aeberhard (Herr M., clair et élégant) se montrent d’honnêtes seconds rôles, Tatjana Gazdik (Laura), aux timbre sombre et souples fulgurances, manque de puissance pour ses notes moins aigues, tandis que Mark Milhofer (Hermann) agace rapidement par ses éraillements. Seul Josef Wagner (Eduard) séduit sans réserve, avec un chant évident, à la fois rond et vaillant. Engagé, le Chœur de l’Opéra de Dijon ne manque ni de nuance, ni de conviction, ni de délicatesse.

LB