Chroniques

par bertrand bolognesi

Nicolas Chalvin dirige quelques centaines de musiciens
épisode 1 – le concert monstre, festival de l’industrie 1844

Festival Berlioz / Usine-pensionnat Girodon, Saint-Siméon-de-Bressieux
- 21 août 2014
grande ouverture festive du Festival Berlioz 2014 : Le Concert Monstre 1844
© delphine warin | festival berlioz

Comme l’annonce son affiche, c’est par une Grande Ouverture Festive qu’est lancée ce soir la vingt-et-unième édition du Festival Berlioz qui emportera La-Côte-Saint-André vers le Nouveau Monde ! Bruno Messina, directeur artistique de la manifestation, en a effectivement placé le programme vers la conquête d’autres horizons, qu’ils soient ceux d’outre-Atlantique ou ceux de techniques nouvelles, les deux n’étant d’ailleurs pas incompatibles, au contraire. Berlioz en Amérique au temps des révolutions industrielles, voilà qui donne assez le ton de ces dix jours de concerts au pays du compositeur.

Il y a cent soixante-dix ans, Hector Berlioz concoctait et dirigeait un Concert Monstre en guise de clôture de l’Exposition des produits de l’industrie. Avec la grande modestie qu’on lui connaît, il réunissait pour ce faire quelques mille vingt-deux musiciens, instrumentistes, choristes et solistes confondus, ce qui ne manquera pas de marquer les esprits – plaisanterie mise à part, un tel effectif rendait parfaitement compte de la démesure de moyens humains convoqués par les manufactures du temps.

Avec la complicité du Palazzetto Bru Zane, partenaire régulier du festival que nous y retrouverons à plusieurs reprises, l’Orchestre Symphonique de Mulhouse, l’Orchestre des Pays de Savoie et le Chœur Emelthée conjuguent leurs forces sous la grande et belle verrière créant agora entre deux corps de bâtiments de l’usine-pensionnat Girodon (1873). Qu’est-ce qu’une usine-pensionnat, comme alors le département de l’Isère en comptait plusieurs ? Un endroit où, dans des conditions difficiles et sous la supervision de religieuses, plusieurs centaines de jeunes filles recrutées à partir de leurs douze ans étaient employées à tisser la soie. Autant dire que les réalités passées qui habitent les lieux ne relèvent pas du rêve « fleur-bleue »…

Et à parler centaines et milliers, si une vingtaine de rangs fait face à la scène installée sous cette charpente métallique d’aspect plutôt léger, la pelouse sur laquelle s’ouvre l’usine accueille aujourd’hui un monde fou, grâce à un dispositif de haut-parleurs et d’écran géant qui, à sa manière, garantit une place idéale à chacun. Ainsi croise-t-on dans les rues de Saint-Siméon-de-Bressieux de sympathiques équipées de chaises pliantes. Si dans la deuxième partie du concert, où s’ajoutent de nombreuses associations locales de musiciens amateurs, le plateau abrite près de cinq cents personnes, il semble bien que dix fois plus d’auditeurs fêtent ici l’ouverture du festival.

Il est 17h. Nicolas Chalvin, l’actuel chef de la formation alpine citée plus haut, suit pas à pas le menu 1844 de Berlioz, introduit par l’Ouverture de La vestale, opéra en trois actes de Spontini dont la première eut lieu à Paris, fin 1807. Retour vers le classicisme français, via Armide, tragédie lyrique de Gluck dont est donné un extrait du troisième acte. On y retrouve avec grand plaisir le timbre chaleureux d’Amaya Domínguez [lire notre chronique du 11 août 2009]. Après que le baryton Sacha Michon a livré la prière de Moïse et Pharaon de Rossini (1827) [lire notre critique du DVD] sonne l’Ouverture du Freischütz de Weber (1821) – on écrira Freyschütz, conformément à la version française et berliozienne de 1841. Une inspiration patriote traverse ensuite le chœur puisé dans Charles VI, opéra en cinq actes d’Halévy (1843). Nous entendrons encore Meyerbeer et Beethoven, avant trois pages de l’enfant de pays : Marche au supplice de la Symphonie fantastique, la plus rare Hymne à la France (1844), enfin sa version de La Marseillaise qui triomphalement couronne l’événement.

Il est temps d’accompagner le chef jusqu’à sa nacelle, puisque c’est en montgolfière qu’il prend congé ! Pas jusqu’à ce qu’un illustre voyageur appelait Les Indes, puisque Nicolas Chalvin refera une apparition aux abords du Bal Cajun où les mélomanes vont guincher jusqu’au feu d’artifice, sous un grand beau ciel d’étoiles. Voilà un festival qui s’annonce sous les meilleurs auspices !

BB