Chroniques

par isabelle stibbe

Norma
opéra de Vincenzo Bellini

Théâtre du Châtelet, Paris
- 18 janvier 2010
Marie-Noëlle Robert photographie Norma (Bellini) au Châtelet (Paris)
© marie-noëlle robert

Mais où sommes-nous ?
Un hôpital psychiatrique, des murs de béton gris percé de quelques trous, un chœur gesticulant… Serait-ce la nouvelle version opératique de Vol au dessus d’un nid de coucou ? Diable ! On croyait venir au Châtelet pour Norma. Mais, mais… ces paroles « Queste sacre antiche piante »… cet air… c’est bien Casta Diva… c’est bien Norma ! Que diable la prêtresse gauloise de Bellini a-t-elle avoir avec un asile de fous ?

Aucun. C’est bien le problème.
La mise en scène de Peter Mussbach, volontiers provocateur (on se souvient de sa Traviata/Marilyn), renonce aux habituelles jupettes romaines, forêts gauloises et serpes druidiques. Ce n’est pas plus mal, le kitsch et le ridicule n’étant jamais loin à force de flirter avec l’univers d’Astérix. Pour autant, la transposition gratuite n’a guère de sens quand elle n’est pas sous-tendue par une vraie réflexion. Lumières et costumes aidant, l’esthétique atteint parfois une certaine beauté, mais cette scénographie aurait pu aussi bien figurer dans n’importe quel autre opéra. Sans compter que, privilégiant à outrance les rapports interpersonnels des protagonistes, elle escamote complètement l’aspect politique de Norma - tout de même l’histoire d’un peuple dominé par un occupant tout puissant. Ne rendons pas le livret plus intelligent qu’il n’est : ni bien écrit, ni très crédible, ni vraiment intéressant, il constitue l’une des faiblesses majeures de l’ouvrage. Raison de plus pour ne pas gommer l’un de ses aspects un peu profonds.

Et la musique ?
Si elle aussi souffre de faiblesses harmoniques, les richesses mélodiques de cet opéra vocal ne sont pas spécialement mises en valeur. La fosse a été confiée à l’Ensemble Matheus dirigé par Jean-Christophe Spinosi. Jouer sur instruments anciens aurait pu s’avérer une bonne idée pour retrouver les couleurs originales de Bellini. Quelle pitié ! Les masses sont confuses, le son aigre, la justesse approximative. Après l’entracte, l’orchestre mettant un peu de temps à s’accorder, un spectateur s’écrie : « ça ne sert à rien, de toute façon ». Dans cet opéra qui ne manque pas de souffle, l’absence de vision dramatique du chef, surtout dans le premier acte, rend la partition hors de portée pour l’orchestre qui ressemble à ces petites filles s’essayant à marcher dans les chaussures trop grandes de leur mère.

Quant la distribution, Nicolas Testé souffrant assure la partie scénique d’Oroveso mais ne chante pas, tandis que Wojtek Smilek interprète la partie vocale, devant son pupitre placé à l’avant-scène, côté jardin. Voix concentrée, timbre riche, le Polonais fait partie des bonnes surprises de la soirée. C’est également le cas de Paulina Pfeiffer qui vole la vedette au rôle-titre grâce à une voix charnue, sensuelle, et une présence qui donnent du relief à son Adalgisa.

Le reste du casting est plutôt décevant. Dans l’absolu, Nikolaï Schukoff ne manque pas de qualités, surtout dans le médium, mais il n’a pas les moyens de chanter Pollione, trop ample pour lui. Dépassé par ce rôle difficile, il le chante sans nuances, avec des ralentis exaspérants et une fâcheuse propension à reculer son torse. Quant à Lina Tetriani, elle dispose d’atouts au rang desquels un engagement scénique et une bonne technique mais… elle n’est pas Norma.

IS