Chroniques

par gilles charlassier

Norma
opéra de Vincenzo Bellini

Théâtre des Champs-Élysées, Paris
- 17 décembre 2015
Stéphane Braunschweig met en scène Norma (Bellini) au Théâtre des Champs-Élysées
© vincent pontet

Tandis que l'Opéra Bastille et Alvis Hermanis font sombrer Berlioz dans une hasardeuse Mission Mars One, le Théâtre des Champs-Élysées privilégie la sobriété d'une Norma réglée par Stéphane Braunschweig. S'il est loisible de s'affranchir des risques de la scène par la version de concert – solution à laquelle se range plus d'une maison –, l'avenue Montaigne ne renonce pas à la dimension théâtrale du chef-d’œuvre de Bellini.

Consciente de l'artifice de la transposition, la production se contente d'un écrin lisible. Condensé dans une scénographie épurée où se lisent sans ambiguïté les intentions herméneutiques, le dispositif oppose aux tonalités anthracite de l'espace public (politique et religieux) les tentures rouge-passion du lit matrimonial et familial dissimulé derrière un panneau basculant, symbole de la conjugalité cachée de la prêtresse. La clarté dialectique, ponctuée de modulations spatiales et de quelques rideaux devant lesquels se retranche l'exposition d'une intimité, désarme le débat entre costume historicisant et banalisation contemporaine. Thibault Vancraenenbroeck s'est ainsi glissé dans la conception générale, dessinant des robes d'un bleu-vestale pour les femmes vouées au culte. Les lumières de Marion Hewlett participent de cette lecture décantée.

Dans le rôle-titre, Maria Agresta met ses moyens au service d'une musicalité évidente.
S'il convient de ne pas la mesurer aux légendes, le soprano encore jeune – moins de dix ans de carrière – maîtrise l'endurance au fil de la représentation, sans trop s'abandonner au célèbre Casta diva. Le vibrato nourri et tenu, comme l'impact de la voix, traduisent la fragilité noble de l'épouse et mère répudiée. En Adalgisa, Sonia Ganassi se révèle nettement plus en synchronie de style que lors de ses précédentes apparitions parisiennes. La plénitude sur l'ensemble de la tessiture ne se discute point, et le mezzo a nul besoin d'assombrir les couleurs pour livrer le tourment du personnage. Le Pollione de Marco Berti fait sans doute figure de maillon plus faible au cœur de ce trio amoureux, même si la modération du ténor italien surprend agréablement, sans pour autant toujours contenir une justesse mise à l'épreuve.

Le reste du plateau ne démérite nullement.
Riccardo Zanellato incarne un Oroveso solide quoique sans aura particulière. Clotilde revient à une appréciable Sophie Van de Woestyne, tandis que Marc Larcher fait une apparition honnête en Flavio.

Préparé par Sofi Jeannin, le Chœur de Radio France, complété par la Maîtrise des Hauts-de-Seine, assume, sans excès inutile, l’hiératisme de la partition. À la tête de l'Orchestre de chambre de Paris, Riccardo Frizza compense certains accès sanguins par une attention au lyrisme, faisant par exemple chanter avec sensibilité les violoncelles. Au diapason du spectacle, la fosse évite toute pompe déplacée, pour se concentrer sur le drame des sentiments.

GC