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Chroniques
octuors à cordes
Quatuors Arranoa et Debussy
Depuis maintenant quinze ans, le Quatuor Debussy a pris l’habitude de marquer l’été hexagonal de son académie, destinée à regrouper, former, faire travailler et jouer de jeunes musiciens venant en majorité des conservatoires français, mais aussi étrangers. Les élèves se produisent lors de concerts qui sillonnent le département de l’Ardèche, en alternance avec des formations déjà renommées en la matière, comme avec les quatre Lyonnais, autant solistes que pédagogues. Sachant aussi jouer la carte fusionnelle – le fait est assez rare autant qu’audacieux, et mérite donc d’être signalé et salué –, les quatre « maîtres » s’associent l’espace d’un concert hors normes à quatre jeunes musiciens choisis parmi leurs stagiaires.
C’est le cas lors du concert donné dans le cadre aussi superbe qu’isolé dans la Haute-Ardèche de cette église qui, pour l’occasion, accueille le tout jeune Quatuor Arranoa, venant du Sud-Ouest, lauréat du fameux Prix Bonnat décerné par l’Académie internationale Maurice Ravel de Saint-Jean-de-Luz, avec comme compagnon de route la contrebasse juvénile et expressive de Simon Luce. Le programme est aussi éclectique qu’étalé dans les styles et dans le temps… après que les instrumentistes du Quatuor Arranoa aient ouvert la soirée et montré leur musicalité, leur sûreté, la fusion de leurs jeux, à travers le Quatuor en ré mineur Op.76 n°2 de Joseph Haydn.
Tout le monde se retrouve ensuite pour mitonner une petite merveille trop rarement jouée en concert : les Deux pièces pour octuor à cordes Op.11 de Dimitri Chostakovitch, consistant en un Prélude et un Scherzo. Cette œuvre de jeunesse est restituée avec un mélange aussi séduisant que percutant, assumant parfaitement l’expressivité quasiment agressive d’une rythmique impitoyable. La suite aborde une autre rareté du compositeur argentin Osvaldo Golijov. Son Last round pour double quatuor et contrebasse n’a vraiment pas la même magnitude, mais vaut par une écriture bigarrée, semblant pousser les deux formations à se livrer une sorte de bataille sonore pas vraiment concise. À la suite, tout en contraste, Milonga del angel, l’une des pièces les plus jouées d’Astor Piazzolla, puis Fuga y misterio, détendent l’atmosphère, pleines de contrastes fort bien servis.
L’intérêt remonte ensuite au pinacle avec la création française d’Octet de l’Américain Marc Mellits, en résidence l’été dernier au festival. L’écriture est, sobre, cursive, homorythmique et superbement « prenante ». Les motifs sont courts et expressifs, la densité est prodigieuse, fulgurante, mais jamais pesante. Est-il besoin d’ajouter que la plus parfaite complicité scelle le jeu des deux quatuors, les anciens et les modernes (non, pas les maîtres et les disciples) ? En commun ils souffrent (comme les auditeurs d’ailleurs) de l’acoustique tourbillonnante, accablante, agressive, désordonnée, d’un lieu incroyablement mal choisi.
GC