Chroniques

par bertrand bolognesi

Olivier Messiaen à l’honneur

Manca / Auditorium Rainier III, Monte-Carlo
- 17 novembre 2006
Auditorium Rainier III, dans le cadre du festival Manca : Messiaen à l'honneur
© cirm

Si le programme de ce soir met la musique d’Olivier Messiaen à l’honneur, la proposition des instrumentistes de l’Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo la dessert assez tristement, à un point tel que l’on quitte le concert en s’interrogeant avec inquiétude sur la santé de cette formation. Quatre de ses musiciens s’attellent vainement à une exécution laborieuse du Quatuor pour la fin du temps, avouant une incapacité à respirer ensemble, de trop nombreuses approximations de hauteur (surtout pour le violoncelle et le violon), une absence de couleurs dans la prestation de la pianiste, partant que notre écoute jamais ne croise l’autonomie solistique requise.

Dans les deux pièces pour piano et ensemble à occuper la seconde partie de la soirée, les Monégasques se tiennent nettement mieux, bien que l’on constate quelques soucis dans les attaques de vents, jamais parfaitement synchrones. La battue précise de Daniel Kawka bride adroitement les rênes, ce qui toutefois ne permet guère de rendre compte de la richesse de l'écriture – les derniers accords des Oiseaux exotiques se résument ici à un vague martèlement. Au clavier, Roger Muraro livre des interprétations non seulement d’une absolue fiabilité, mais inspirées, colorées et comme illuminées. S’il ne s’agit pas là d’œuvres typiquement concertantes, le rôle du pianiste y demeure prépondérant.

« La partie rythmique de Couleurs de la Cité céleste est si complexe, explique Roger Muraro, sa base étant la triple-croche que le chef ne peut évidemment pas battre et qui l’oblige à un geste en courbe sur lequel l’orchestre doit se poser, qu’elle exclue la possibilité de voir venir. Les effets, grands et complexes, s’y enchaînent très vite, à travers des chorals faisant référence au texte biblique, des chants d’oiseaux survenant entre des silences, etc. Bref, je l’approche d’aussi près que possible, en accord avec la gestique du chef. Ma longue fréquentation de cette littérature me permet de nombreux recoupements et facilitent les choses : accords, rythmes – souvent issus de la rythmique grecque, dans tout l’œuvre de Messiaen. Le matériau est agencé différemment, mais c’est le même. Ces œuvres exigent du public une écoute pointue. Ce n’est pas Turangalîlâ Symphonie où tout le monde a envie d’applaudir dès après la dernière note ! Ses cadences étant plus longues et ouvragées, l’espace de liberté du pianiste est plus grand dans Oiseaux exotiques. C’est ainsi que le concevait Messiaen devant lequel je l’ai joué. La couleur et le caractère doivent être restitués, mais le tempoest plus modulable. »

Le pianiste nous confie avoir le sentiment que l’œuvre d’Olivier Messiaen, qui posa en son temps les jalons harmoniques et rythmiques d’un nouveau départ pour la génération des années soixante à quatre-vingt, s’inscrit aujourd’hui dans un répertoire plus large, touchant des gens moins exclusivement concernés par la musique contemporaine. Il donnera les Vingt regards sur l’Enfant Jésus à Porto, fin décembre, et la Turangalîlâ Symphonie avec Ilan Volkov et l’Orchestre national du Capitole, in loco, le 16 février 2007.

BB