Chroniques

par françois cavaillès

Opus 56 et 64 de Felix Mendelssohn
Charlotte Juillard (violon) et Clelia Cafiero (direction)

Orchestre Symphonique Région Centre-Val de Loire/Tours
Le Grand Écrin, Le Malesherbois
- 17 septembre 2022
La cheffe Clelia Cafiero joue Mendelssohn au Malesherbois (Loiret)
© dr | eduard leopold magnus : mendelssohn, 1846

Le soleil réchauffe encore, à l’orée d’une soirée romantique autour de Felix Mendelssohn (1809-1847). Du ciel bleu, un vent d’automne chasse un cumulus chiffonné, avant la tombée d’une nuit étoilée, porteuse du premier froid... allons, c’est l’heure du concert de rentrée ! À l’intérieur du Grand Écrin (centre culturel du Malesherbois, dans le Loiret), foyer aux lumières chaleureuses, un vaste parquet accueille l’Orchestre Symphonique Région Centre-Val de Loire/Tours et ses deux invitées pour le lancement de la saison 2022/23, en commençant par le Concerto pour violon en mi mineur Op.64 n°2 (1844).

Très tôt, ce classique devenu populaire saisit par la fameuse phrase soliste d’ouverture, offerte avec toute la délicatesse requise par Charlotte Juillard, supersoliste de l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg. L’inoubliable mélodie est à peine grouillante, l’articulation bien marquée, puis le thème repris et étendu par la formation tourangelle avec une belle énergie évocatrice. Réponse instantanée, nette et précise, tantôt délassante, tantôt débridée, par le violon, et ainsi apparaît toute la force simple, car si balancée, de ce concerto privilégié du répertoire. Dans la calme fièvre du thème suivant, puis à travers la cadence violonistique, la fougue orchestrale dans la coda ensuite, et jusque dans la rêverie planante de l’Andante consécutif, la continuité musicale est remarquable, sur le fil ténu mais changeant que tend le compositeur. Au bord du pathos, la mélancolie peut céder la place à un dynamisme plaisant et fonceur pour l’Allegretto non troppo et le Finale. Cette tendance à l’accélération est même prolongée en bis par la violoniste [lire nos chroniques du 27 juillet 2009, du 19 janvier 2017 et du 29 novembre 2018] quand la Gigue de la Partita en mi majeur BWV 1006 n°3 de Johann Sebastian Bach (modèle musical de Mendelssohn) semble vite expédiée... mais dans quelle joie et quelle ardeur !

Inspirée par la visite des ruines d’Holyrood dans l’Écosse de Walter Scott, donc par le souvenir littéraire de Marie Stuart, la Symphonie en la mineur Op.56 n°3 « Écossaise » (1842) connaît une entame terne et presque grinçante, comme en entrebâillant le lourd portail d’un monastère. Puis elle devient vite palais enchanté, à la faveur de l’orchestre comme rengorgé, d’un volume assez considérable. Autant que dans la musique de chambre, la réussite du compositeur est bien patente dans des formes symphoniques larges (et par-delà jusqu’au faste lyrique du triptyque d’oratorios Paulus, Elias et Christus). La langueur maussade de l’Andante con moto distille un charme mystérieux, tandis que les couleurs scintillantes et féériques, typique du musicien allemand, dominent l’Allegro un poco agitato, au climat parfois terrifiant. De même, dans ce clair-obscur automnal, l’éclat orchestral n’est-il que passager mais certain dans le Scherzo suivant, qui ferait pourtant presque pacotille. La béatitude du public ne laisse aucun doute lorsqu’il découvre l’Adagio, encore plus révélateur, sous la direction très appliquée de Clelia Cafiero [lire notre chronique du 30 avril 2021], avant que le Finale, nerveux à souhait, brille de mille feux grâce à sa géniale écriture instrumentale. En fin de l’étrange balade écossaise, la conclusion doit son apothéose aux cuivres, mettant à ce singulier rendez-vous un revigorant point d’exclamation.

FC