Chroniques

par marc develey

Orchestra of the Age of Enlightenment
Sarah Connolly sauve Mahler

Théâtre des Champs Élysées, Paris
- 22 janvier 2011
Sarah Connolly sauve la musique de Mahler
© peter warren

Forte, notre attente est déçue, et déçue d’emblée. Les attaques floues du Prélude de Parsifal annoncent une page sans mystère, traversée de crescendos criards, de vents décalés et de cuivres brutaux. Le sirop des violons, plus homogènes et plus souples, tempère ce qu’il y a de pénible dans une expression contrefaite et forcée. Plat, tout cela n’a de sublime que l’ennui qui nous en vient. Richard Wagner porté à la puissance d’un Barber d’ascenseur.

Plus soutenue dans ses premières mesures, la Totenfeier de Gustav Mahler s’annonce mieux. Las ! Le thème n’est qu’une récitation qu’on ânonne sans la comprendre. Juxtaposé de séquence en séquence, l’ensemble ne progresse pas. Hautbois et cuivres baroques défont l’écoute de leur impossibilité à tenir une attaque précise, voire juste ; les flûtesseules apportent un peu de fraicheur. La brutalité des plans sonores sans anastomose ni réserve, l’ostinato répétitif et pesant des cordes graves ou la balourdise un peu niaise d’une harpe sylphide en tutu rose amidonné donnent envie de n’y être pas, puisque Mahler n’y est plus.

Il y reviendra pourtant. On doit à Sarah Connolly les belles émotions de cette soirée. Ses Lieder eines fahrenden Gesellen sont marqués par une expressivité sans fard et une rondeur de son, en particulier dans des graves capiteux, qui donnent son appui à l’accompagnement. Ni hautbois, ni trompettes : flutes et violons d’une homogénéité délicate font contrepoint à la clarté de Wenn mein Schatz Hochzeit macht. Si les instruments restent marqués d’une présence souvent rude, ils se lient pourtant à la voix, catalyseur enfin d’un peu d’unité ; on en oubliera le hautbois : le violon solo fait merveille – et « schöner Welt » de vibrer de joie solaire dans Ging heut morgen übers Feld. D’une incarnation poignante d’intensité dramatique après l’inquiétant Ich hab’ ein glühend Messer, Die zwei blauen Augen bénéficie de cette sobriété sèche de l’orchestre, ici fort appréciable.

Parenthèse refermée. Le concert nous achevait d’une page de Franz Liszt, ses Préludes ayant été rapidement parasités par des défauts sur lesquels il n’est pas utile de revenir, exacerbés par une partition dont « légèreté » n’est certes pas le propre.

Devant tant de déplaisir, nous doutons avoir réellement su écouter ce concert. Nous étions là, pourtant, et avec l’envie d’y être ; trop contraints néanmoins de souvent nous couper de l’espace sonore. Quelque chose dans notre oreille, notre tempérament, l’heure ou l’âge ? Ou bien un ton et un son qui se cherchent encore, une expérience malheureuse d’un orchestre par ailleurs inventif ? En tout état de cause nous ne pouvons en offrir que notre perplexité. L’oubli nous lavera du reste.

MD