Chroniques

par vincent guillemin

Orchestre de Paris
Johannes Brahms par Herbert Blomstedt

Salle Pleyel, Paris
- 22 janvier 2014

Hormis le Schicksalslied (Chant du destin) relativement connu, l’œuvre pour chœur et orchestre de Johannes Brahms est surtout dominée par le magistral Deutsches Requiem joué plus tard dans la saison par l’Orchestre de Paris et audacieusement occulté par Herbert Blomstedt pour ne garder que trois Lieder, Schicksalslied, Nänie et Gesang der Parzen, ce dernier s’insérant pour la première fois au programme de la formation, avant une plus consensuelle Symphonie n°2.

Nänie fait vite comprendre pourquoi cette œuvre est peu jouée, car s’il est présomptueux de dire d’une composition qu’elle est mauvaise, il faut savoir reconnaître que certaines ont plus d’importance que d’autres. Ce chant funèbre opus 82 composé dans un style très linéaire en 1881, sur un texte de Schiller, met en avant le manque de préparation des bois et les défauts audibles chez les violoncelles, ainsi qu’un chœur à la diction allemand approximative. Écrit un an plus tard et plus dynamique,Gesang der Parzen Op.89 (Chant des Parques), extrait de l’Iphigénie en Tauride de Goethe, manque étonnamment de l’inventivité mélodique si passionnante chez Brahms, qu’on ira finalement chercher dans la troisième page, Das Schicksalslied Op.54. Le poème nettement plus beau d’Hölderlin est mieux maîtrisé par le Chœur de l’orchestre de Paris qui manque toutefois de chaleur pour totalement convaincre, alors que la partie instrumentale montre la grâce coutumière de la direction de Blomstedt.

La Symphonie en ré majeur Op.73 n°2, donnée ici-même quelques mois auparavant par Riccardo Chailly et le Gewandhausorchester Leipzig [lire notre chronique du 27 octobre 2013], permet de mesurer la vision du chef par rapport à celle de ses contemporains. La carrière de Herbert Blomstedt fut décousue, avec, quand il était à San Francisco, un repérage par Decca qui permit de nombreux enregistrements, puis un passage moins visible avant son retour au pupitre depuis une petite décennie, toujours en excellente forme et faisant toutes les répétitions debout, malgré ses quatre-vingt six ans. Particulièrement marquante à la tête des mêmes troupes il y a quatre ans, sa Cinquième de Bruckner lui a redonné ses lettres de noblesse dans la capitale française qui invite désormais au moins une fois par an ce chef adoré par les musiciens. Son interprétation de la symphonie brahmsienne n’apporte pas de nouvel éclairage sur l’œuvre, mais lui confère une classe particulière, alliant fluidité et lyrisme, sans pour autant glisser vers la légèreté. L’Adagio non troppo manque peut-être de profondeur, mais l’Allegretto grazioso fait justement ressortir toute la grâce demandée, quand le dernier mouvement (Allegro con spirito) reste de la même tenue, l’esprit recherché étant moins « inspiré » que « pastoral » – un discours parfaitement défendable dans cette partition.

VG