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Chroniques
Orchestre de Paris
Beethoven, Mahler et Webern
En prémices de ce concert, le très romantique Langsamer Satz d’Anton von Webern permet d’entendre exclusivement les cordes de l’Orchestre de Paris. Composée en 1905 pour quatuor, cette œuvre de jeunesse est présentée dans sa version transcrite par Gerard Schwartz en 1980. Les masses sonores gagnent en valeur par rapport à l’original, mais perdent le timbre viennois si propre au compositeur, ramenant le mouvement dans les tons de Barber plutôt que vers Schönberg. Portée par les premiers violons, la chaleur qui se dégage de l’ensemble tranche avec l’habituel son parisien, plus léger, même si le tout manque de force expressive.
Le Concerto pour piano en ut majeur Op.15 n°1 de Beethoven montre une tout autre tonalité. L’orchestre est réduit à son minimum et les percussions choisies sonnent avec un grain bien spécifique, proche du son baroque. Très allant dans le répertoire classique, Paavo Järvi emmène clairement cette musique du côté de Mozart, même s’il doit composer avec Radu Lupu. Plus romantique, le pianiste cherche comme toujours à ralentir le mouvement, même dans le Largo où le chef doit le surveiller pour s’adapter, sans altérer le discours global. Le problème d’équilibre se creuse dans le Rondo, et cette fois seul le soliste fait vivre magnifiquement sa partie, l’orchestre manquant de liberté et perdant en couleur. Le bis met tout le monde d’accord sur Radu Lupu : il traite Vogel als Prophet de Schumann comme s’il jouait Debussy, donnant à cette pièce sublime une superbe modernité.
Malheureusement, nous ne bénéficierons pas du même plaisir avec la Symphonie en sol majeur n°4 de Mahler, jouée après l’entracte. Il semble que Paavo Järvi cherche à y compenser manque de ligne directrice et absence de vision globale par une multitude d’idées. Loin d’être narcissique ou « racoleur » (n’est pas Salonen qui veut), le chef dirige avec une grande attention et par des gestes très précis un orchestre massif (neuf contrebasses dans la plus chambriste des symphonies mahlérienne !), à la belle ampleur, mais dont l’énergie ne crée jamais l’émotion – sauf peut-être dans les derniers instants du troisième mouvement (Ruhevoll), abordés très lentement. Les cordes gardent la chaleur entendue dans Webern. Pour parfaire ses soli, Roland Daugareil change de violon à partir du deuxième mouvement, quand les cors s’aiguisent. Mais les choix de direction peinent à se faire comprendre. Pour exemple, le grelot (qui intervient quatre fois dans tout le premier mouvement) est dès le début lent et distant, puis plus doux, puis très rapide à la reprise (trop ?), avant de redevenir particulièrement lent pour sa dernière apparition, mais à aucun moment l’intérêt de tels tempi se laisse percevoir. Loin d’une interprétation « de répertoire », l’analyse musicale se ressent dans chaque mesure, où toute note est entendue sans qu’il soit pour autant possible de parler d’une approche ciselée ni d’une mise en avant des couleurs, qui restent assez inexistante avant que n’intervienne la jeune Katija Dragojevic.
Ce dernier choix est assez peu compréhensible, quand on sait que Mahler souhaitait d’abord un enfant pour chanter le Lied issu du corpus Des Knaben Wunderhorn (volonté respectée par Bernstein, entre autres). Dans la grande majorité des interprétations, il est remplacé par un soprano clair, éloigné du timbre du mezzo suédois de ce soir, dont la belle couleur ne compense ni l’écart de tessiture ni la diction allemande incertaine. Comparé aux majestueuses Sixième et Septième de Sibelius données cette saison par Paavo Järvi, ce concert déçoit franchement, même s’il confirme au moins que les cordes de l’Orchestre de Paris ont gagné en chaleur depuis l’arrivée du chef estonien.
VG