Chroniques

par richard letawe

Orchestre national de Lille
Kees Bakels joue Beethoven et Bruckner

Le Nouveau Siècle, Lille
- 19 février 2007
le chef néerlandais Kees Bakels dirige l'Orchestre national de Lille
© simon van boxtel

Quelques jours après avoir terminé une belle intégrale des symphonies de Brahms, l'Orchestre national de Lille continue d'arpenter le répertoire germanique, en programmant le Concerto pour violon de Beethoven qu'il joue souvent, comme la plupart des orchestres, et la Troisième de Bruckner, un compositeur qu’il aborde rarement. Chef néerlandais, ancien directeur musical des orchestres de Bournemouth et de Malaisie, Kees Bakels [photo], dont la carrière discographique est auréolée de succès, notamment dans Lalo et Rimski-Korsakov, vient diriger cette soirée.

Sa direction dans le Concerto pour violon en ré majeur Op.61 de Ludwig van Beethoven est compétente et sans accroc, mais quelque peu agaçante en ce qu’elle insiste trop à faire un sort à chaque note, compliquant les phrasés et morcelant la ligne. Au violon, Augustin Dumay signe lui aussi une prestation assez étrange, avec un début scabreux, pas en rythme et nullement juste. Il se rattrape assez vite dans le premier mouvement, et fait vite oublier les petites scories techniques en chantant de façon très personnelle ce concerto. Le mélange de fragilité, d'élégance et de lyrisme est tout particulièrement appréciable dans le Larghetto dans lequel sa sonorité ensoleillée fait merveille. Quel dommage de forcer ensuite le ton en adoptant un jeu musclé et rugueux pour le Finale qu'il rend nerveux et instable !

Après l’entracte, l'ONL s'attaque à la monumentale Symphonie en ré mineur n°3 d'Anton Bruckner (version de 1889, édition Nowak de 1959). Mené par un chef fort compétent dans ce répertoire et dont la technique pourrait être qualifiée de didactique, l'orchestre se comporte honorablement. Bien sûr, on n'est pas ici au niveau de perfection qu'atteignait le Koninklijk Concertgebouworkest (Amsterdam) dans la même œuvre quelques jours plus tôt à Bruxelles, mais il faut souligner la cohésion de l'ensemble, son application et un engagement qui ne faiblit pas. Les cordes sont brillantes et soyeuses, même si elles manquent de densité, et les vents assurent leur partie avec finesse. Les cuivres fluctuent plus ou moins, mais s’avèrent plus en forme que durant le cycle Brahms. Le tout forme tout de même un ensemble de bon niveau. Bakels donne de cette symphonie une version fluide, lyrique et colorée, et n'hésite pas à prendre des risques en bousculant parfois les rythmes et en accentuant les contrastes de tempo. Seul le mouvement lent est moins convaincant, assez maniéré et trop complaisant, mais le reste est incisif.

Le succès public est au rendez-vous : le concerto de Beethoven est ovationné, ce qui est un peu forcé, et Bruckner semble avoir passionné l’auditoire très attentif qui lui fait triomphe lors des saluts.

RL