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Chroniques
Orchestre national du Capitole de Toulouse
Tugan Sokhiev joue Chausson, Debussy et Ravel
Certains concerts cumulent les contrariétés. Tombé malade lors des répétitions, Tugan Sokhiev dut reporter la première française de Sawti'l Zaman que Benjamin Attahir a créé en 2013 à l'issue d'une année à la Lucerne Festival Academy Composer Project et révisé l'an dernier pour le dédier à la mémoire de Pierre Boulez, lequel fut son mentor pendant cette session. À l’ouverture initialement prévue le chef substitua donc le Prélude à l'après-midi d'un faune de Claude Debussy – en une sorte de déplacement de l'hommage sur une pièce que le maître sériel a estimé pour l'avoir dirigée et enregistrée.
Des retards de trains surviennent aussi, immobilisant le trafic jusqu'à limiter un Concerto pour piano en sol majeur de Maurice Ravel à son Presto final où convergent la vitalité de la phalange toulousaine et celle de Lucas Debargue. Le soliste français réserve deux bis : d'abord la Gnossienne n°1 d’Erik Satie, qui éclot d'un voile de pudeur et de demi-teintes crépusculaires, dans une dynamique de contrastes feutrée et mélancolique savamment intériorisée, avant une Barcarolle de Gabriel Fauré empreinte d'une fluidité élégante ignorant toute vanité digitale.
En seconde partie de soirée, Tugan Sokhiev conclut ce programme de musique française avec la relativement négligée Symphonie en si bémol majeur Op.20 d’Ernest Chausson. L'introduction, notée Lento, à la solennité de choral, déploie des textures denses, sinon glaiseuses, que le chef ossète pétrit jusqu'à en faire surgir l'Allegro vivo, dans une lumière épique rehaussée par la vitalité des cuivres, sans négliger la chair des cordes. Le travail sur le grain sonore trahit, par exemple, une certaine filiation avec Das Rheingold, référence évidente pour un compositeur marqué par le wagnérisme. Le mouvement central (Très lent) ne se réduit pas pour autant à cette influence, quand bien même se font entendre les prémices du Roi Arthus dans l'intensité des éclairages et de leurs variations, presque psychologiques dans leur versatilité un peu processionnelle. Le finale (Animé) confirme un remarquable sens narratif qui n'ignore aucunement les couleurs de l'harmonie : la pâte généreuse n'obère jamais une lisibilité qui ne recherche point l'artifice. Le geste nerveux de la baguette ne verse point dans une théâtralité déplacée et met en valeur les ressources picturales de l'Orchestre national du Capitole de Toulouse – une des premières formations française à graver l'opus de Chausson (sous la férule de son directeur musical d'alors, Michel Plasson).
GC