Chroniques

par marc develey

Orchestre Philharmonique de Radio France
Beethoven, Mozart et Schubert par Myung-Whun Chung

Théâtre des Champs-Élysées, Paris
- 23 septembre 2005
le chef Myung-Whun Chung, patron de l'Orchestre Philharmonique de Radio France
© jean-françois leclercq

Nous attendions de ce concert qu'il corrige la désagréable impression que nous avait laissé le cycle Mahler donné par Myung-Whun Chung l'an passé, à la tête de la même formation [lire notre chronique des 27 et 29 octobre 2004]. Nous finasserons aussi peu que le chef lui-même, nous affirmant déçus, assurément. Seul l'art de Grigori Sokolov a su, un temps, sortir cette soirée d'un ennui poli et rapidement agacé.

Le rendez-vous s’ouvrit sur une œuvre de jeunesse deFranz Schubert, la Symphonie en ré majeur n°3 D200. D'une écriture classique héritée de Haydn, elle ne connaît encore ni les hésitations thématiques, ni les contrastes qui seront la marque des symphonies ultérieures. L'ensemble reste sobre, dans une amplitude sonore oscillant entre mezzo piano et forte, sans tension dramatique excessive. Le classicisme de la partition imposait donc sa mesure à l'expression. L'Orchestre Philharmonique de Radio France y déploie un coloris tendre et souvent nuancé. La narration du premier mouvement (Adagio maestoso, puis Allegro con brio) est efficacement soutenue par la richesse et la précision de l'articulation des cordes, l'œuvre tout entière bénéficiant de l'équilibre qu'elles entretiennent avec les bois – on songe notamment aux duos hautbois-basson des premier et troisième mouvements ou aux imitations bois-cordes du dernier. Une série de « micro-défauts » nuit cependant à l'énergie de l'ensemble : départs très légèrement décalés des bois dans le trio du Menuetto et « ronron » un peu geignard des violons, sobriété plate de l’Allegretto et – trait caractéristique de toute cette soirée, ou peu s'en faut – lourdeur des accents cadentiels dans le Presto vivace final. Le tout reste d'une facture honorable mais d'un intérêt limité.

Si l'interprétation du Concerto pour piano en la majeur n°23 K488 de Wolfgang Amadeus Mozart s’avère d'une tout autre tenue, c'est au jeu de Grigori Sokolov qu'on le doit. Son art fait oublier un orchestre souvent plat dont jamais le chef n'éveille la souplesse nécessaire à entretenir un véritable dialogue avec le soliste. C'est un piano complexe qui nous est proposé, flirtant avec certain maniérisme. Mais la plénitude étale du son, servie par une pédale en limite de sur-résonnance, la finesse des articulations – liquides du dernier mouvement, portamento filé du thème du deuxième, ciselure de la cadence du premier –, la qualité des nuances, le support harmonique fourni par une main gauche d'une étonnante sensibilité, tout rend à la phrase mozartienne une vie que nous ne lui connaissions guère. L'absence d'accentuation emphatique de la cadence finale offre à ce concerto une conclusion d'une étonnante et bienvenue sobriété.

On regrettera simplement que le pianiste ait cru bon de gloser la reprise du thème de l'Adagio par d'inutiles appogiatures, affadissant ainsi l'âpreté nue d'un épisode dont le dépouillement tragique poinçonne une œuvre animée par ailleurs d'une rhétorique plutôt riche et joyeuse. Entre extrême sensibilité et préciosité, la fine frontière est rapidement franchie : en bis, Grigori Sokolov donne une valse de facture romantique où sa diction fait merveille, et une pièce courte de Schubert qu'elle dessert nettement.

Le concert s'achève avec la Symphonie en ut mineur Op.67 n°5 de Ludwig van Beethoven. Beau coloris orchestral, dès lors que la partition évite les forte. Le reste à l'avenant. Tonitruant, lourd, mièvre. Jouer à un tel niveau sonore exigerait que soit trouvé la réserve folle d'un excès de son supplémentaire : c'eût été sublime ! Las, en l'absence de cette audace, l'ensemble fut accablant de platitude. Et l'on s'est vite évadé de la salle en songeant à la libération apportée par les applaudissements prochains.

MD