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Chroniques
Orchestre Philharmonique de Radio France, Gergely Madaras
œuvres de Jonathan Harvey, Alberto Posadas et Claude Vivier
Cette ultime visite de la saison à la maison ronde nous permet d’entendre trois œuvres du XXe siècle finissant – et de ce fait rarement jouées – par l’Orchestre Philharmonique de Radio France, sous la conduite de Gergely Madaras [photo]. La plus récente ouvre le concert, signée Alberto Posadas (né à Valladolid, en 1967). L’ancien élève de Francesco Guerrero s’y inspire du volcan, témoin de la genèse de la planète mais aussi symbole effrayant ou fascinant de l’énergie terrestre, avec sa lave en perpétuelle évolution (solidification, fusion, cristallisation, etc.). « En ce qui me concerne, précise-t-il, le magma volcanique offre une parfaite image de ma voie de compréhension, de construction et d’organisation du matériau sonore ».
Créé le 10 octobre 2003 (Strasbourg), Magma fait la part belle aux cordes (seize violons I, quatorze violons II, douze altos, dix violoncelles), en vagues tantôt grinçantes, qui rappellent le jeune Penderecki, tantôt assombries, créant un climat anxiogène. Durant les vingt minutes de cette page, elles forment l’ondulation principale où surnagent nombre d’éclats de lumière (parfois spectrale) aux sources variées : piccolo, saxophone, accordéon, archet sur lames ou sur verre à pied, etc. Disons-le, cette visite géologique a vite lassé, et il semble que nous préférions l’Espagnol dans son travail multimédia plus récent – tels Cuatro escenas negras et Glossopoeia [lire nos chroniques des 19 juin et 18 décembre 2009].
Du Canadien Claude Vivier (1948-1983), Gérard Grisey atteste : « c’était un homme intelligent, et son discours était beau, inattendu sans être intellectuel » ; et de son art « c’est une musique d’une grande qualité harmonique, à la fois primitive et sensuelle, hiératique dans son expressivité » (entretien avec Yassen Vodenitcharov, 3 mai 1997). Finalement peu présent sur le Vieux Continent, celui qui étudia avec Stockhausen parle de Lonely Child (Vancouver, 1981) comme d’un long chant de solitude – lequel fait sans doute écho à sa propre vie d’enfant abandonné à la naissance, abusé, puis plus tard exclu du séminaire pour cause d’immaturité.
D’emblée, cette pièce dépassant le quart d’heure apparait moins touffue que la précédente, preuve en est les quelques soli qu’elle abrite (percussion, contrebasse). Passée la résonnance du gong, la dizaine de violons ébauche une comptine maigrelette, assez morbide, qu’on retrouvera vers la fin, jouée sur les harmoniques. Ça et là, vents et cuivres brillent d’une lumière froide, acidulée, qui entérine le caractère affligé du climat général. Porteuse d’un langage imaginaire, la voix du soprano Twyla Robinson a peut-être mission de réchauffer en secret le cœur de l’orphelin, mais de façon trop confidentielle pour nous concerner vraiment.
Jonathan Harvey (1939-2012) a lui aussi côtoyé l’auteur de Gruppen [lire notre critique du CD], avec lequel il partage le souhait de réconcilier rationalité et mystique. C’est le cas de Madonna of Winter and Spring (Londres, 1986), écrit en l’honneur de la mère de Jésus. Peaufinée par le natif de Budapest [lire nos chroniques du 27 mai 2016 et du 28 décembre 2015], cette pièce magnifique, qui « a la forme d’une méditation ou d’une évolution spirituelle » et illustre l’idée que « l’esprit est sous-jacent au discours », laisse une place importante aux sons électroniques. La réverbération, notamment, permet de saisir, prolonger, figer et suspendre des fragments d’orchestre, sans que ce dernier forcément se taise – sorte d’aura surnaturelle dévoilée à un monde qui choisit ou non de l’ignorer.
LB