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Chroniques
Orlando | Roland
opéra de Georg Friedrich Händel
Après Werther [lire notre chronique du 21 juillet 2007], le Münchner Opernfestspiele suit son cours avec la reprise d'Orlando, dans un Nationaltheater plein à craquer, comme d'habitude. La production est conçue parDavid Alden, metteur en scène très présent sur la scène bavaroise où il est l'un des scénographes attitrés du répertoire baroque [lire notre critique DVD de son Rinaldo capté in loco]. Il signe un spectacle qui joue systématiquement sur le second degré, se moquant du livret, en ôtant toute caractérisation aux personnages qu'il transforme en pantins et girouettes. Pour qui a déjà vu une mise en scène de cet artiste, le résultat est fort prévisible.
Nous assistons à Orlando, mais nous pourrions tout aussi bien être dans Agrippina ou Rinaldo sans que cela change beaucoup. La plupart du temps, les récitatifs sont relativement drôles, mais les airs sont constamment parasités par des diverses gesticulations, des chorégraphies sur toute section un peu rythmée, une agitation permanente sur la scène – nombreux changements de décor, ou plutôt déplacements d'accessoires, toujours faits à vue. Chanter un air de Händel est un exercice assez difficile en soi sans qu'il soit besoin d'en rajouter. Ces éléments extérieurs nuisent à l'attention du public et à la prestation musicale, les chanteurs finissant parfois essoufflés. En ne faisant pas confiance à la musique, en se sentant obligé de « meubler » chaque instant pour justifier leurs émoluments, Alden agit ici comme nombre de pairs de sa génération.
Les décors de Paul Steinberg participent de cette même esthétique : la plupart du temps de grands pans de murs nus, peints en orangé criard, plus quelques accessoires (canapé cuir, valises, bureau métallique), soit le tout-venant actuel. Côté costumes, que signe Buki Shiff, nous échangeons les gestapistes en imperméable de cuir pour une troupe de GI's baraqués en tenue bleue.
La distribution vient fort heureusement sauver la soirée, comprenant quelques-uns des meilleurs chanteurs händéliens du moment. Dans le rôle-titre, David Daniels a conservé toute la fraîcheur de son timbre, sa virtuosité et sa souplesse, une bonne dizaine d'années après son apparition sur la scène internationale. L'expression est un peu candide, liée à l'emploi d'un contreténor dans un rôle héroïque, mais elle est convaincante, car Daniels a de la présence scénique, et si la voix reste peu puissante, elle passe bien l'orchestre, et assume passages élégiaques et airs de bravoure avec le même brio. Olga Pasichnyk est une Dorinda de grande classe, au soprano crémeux et au chant virtuose. Elle accuse quelques problèmes de justesse dans le deuxième acte mais, par ailleurs, la sûreté des aigus, le velouté du médium, le brio des vocalises et l'abattage de l'interprète en font la grande triomphatrice de la soirée. Dans le rôle de Medoro, Beth Clayton fait également excellente impression. Bien que possédant un volume sonore un peu confidentiel, son chant est extrêmement nuancé, les phrasés sont d'une grande délicatesse et la chanteuse donne à chaque mot sens et poids.
En Zoroastro, Alastair Miles fait craindre le pire à l'Acte I – voix caverneuse et vibrato envahissant. Il se reprend ensuite, chantant même avec un certain panache, quoique pas toujours subtilement. Enfin, dans le rôle d'Angelica, Rosemary Joshua est le seul véritable point faible de la distribution : le chant n’est que joli, manque d'éclat et d'implication, les aigus s’avèrent agressifs, la vocalisation est heurtée et le rythme comme la justesse font souvent défaut.
À la tête d'un Bayerisches Staatsorchester assez stylé, dont les solistes sont néanmoins parfois à la peine, Christopher Moulds tient bien son plateau. Sa direction est vive, rythmée et dansante, et participe amplement au succès purement musical de cet Orlando.
RL