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Chroniques
Otello | Othello
opéra de Giuseppe Verdi
On croyait bien avoir touché le fond avec le dernier Trouvère vu, ici même, dans la réalisation ridicule de Francesca Zambello... Eh bien, non ! Cette fois, pour la dernière production de l’ère Gall à l’Opéra de Paris, Andreï Serban nous gratifie d’une inepte mise en scène, et au plus mauvais goût possible, de l’Otello de Verdi. Du spectacle d’ouverture avec Plácido Domingo et la météorique Kallen Espérian demeure un souvenir plutôt positif, même si, à l’époque, les décors – et spécialement ceux du quatrième acte – avaient dérouté les spectateurs.
Aujourd’hui, que dire de la laideur du dispositif de Peter Pabst, usant et abusant d’immenses rideaux et voiles censés réduire les personnages et leur environnement, faute de décors réels que la grande machinerie électronique de Bastille est pourtant tout à fait capable de mettre en œuvre ? Ce qui sert de décors semble faire usage de vieux effets récupérés dans les malles de productions éculées, mélangeant au petit bonheur les différentes époques d’un Moyen-âge de pacotille au XIXe siècle, sans oublier une touche d’orientalisme avec quelques arcades. Que dire de ces fauteuils Chippendale de cuir carotte et des chaînes de velours interdisant l’entrée d’invités virtuels de la Jet set ? Quant à la pauvre Desdémone… Barbara Frittoli, chanteuse honnête, efficace même, mais sans magie, récupère une somptueuse robe grenat volée à une autre héroïne verdienne, Traviata.
Otello est Vladimir Galouzine.
Vocalement fatigué, en ce soir de première, il accuse une articulation insuffisante et malmène la ligne de chant. Il est déguisé en patriarche noir à djellaba grise et perruque de dreadlocks empruntée au grand-père de Bob Marley. Le Iago de Jean-Philippe Lafont est peut-être le plus maltraité : déjà gêné vocalement par un rôle qui n’est plus dans ses moyens actuels, il est à mi-chemin entre Rigoletto et l’Entertainer de Cabaret, la comédie musicale de John Kander. Il lui faut camper un bouffon inoffensif, teint au henné, bien mal à l’aise dans son rôle de méchant diabolique. Enfin, rien n’est perdu, Iago prendra sa revanche en tenant en laisse (l’une des fameuses chaînes de musée dont on comprend enfin l’utilité) Otello, comme un toutou.
Outre quelques détails outranciers, en particulier dans la scène de beuverie (au sens propre du terme) entre Iago et Cassio, le clou du spectacle arrive au quatrième acte : les sempiternels rideaux et un simple lit blanc constituent l’essentiel spartiate de l’espace scénique. Pourquoi pas ? Des ombres chinoises mal réglées cherchent à ajouter une pincée de piment à l’air de Desdémone, plutôt réussi. Arrive – hélas ! – un Otello qui, ayant besoin de ses tribales couleurs guerrières pour sacrifier la victime, se peinturlure face au public. Pourquoi Serban a-t-il décidé que le Maure ensanglante Desdémone à coups de poignard avant de l’étrangler comme il se doit ? Parce qu’il faut bien permettre à Cassio de blottir son désespoir dans le coussin maculé du sang de sa belle, bien sûr ! Pourtant, Desdémone a la vie dure et, malgré ces épisodes d’un martyr déjà impressionnant, n’est pas encore morte. Tant qu’on y est, un coup de pied et un étranglement supplémentaire en auront le dernier mot !
Insupportable et ridicule. C’est d’autant dommage que James Conlon, pour la dernière fois au pupitre de son orchestre, donne une belle leçon de direction et de musicalité.
MS