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L’Italiana in Algeri (Rossini), La fille du régiment (Donizetti),
En plus de ses trois grandes productions d’opéras, représentées en soirée dans le bel O’Reilly Theatre (National Opera House) [lire nos chroniques de La Ciociara, Zoraida di Granata et L’aube rouge], le Wexford Festival Opera met à son affiche d’autres ouvrages qu’il propose en petites formes et généralement dans d’autres lieux.Si L’Italiana in Algeri est bien hébergée dans la grande salle, les représentations s’y déroulent l’après-midi et dans un format plus réduit qu’usuellement. Sous la direction musicale de Gioele Muglialdo, les onze instrumentistes réunis en fosse peinent à restituer l’ampleur de la partition rossinienne. Ceci est particulièrement vrai pour les cordes, au nombre de cinq, qui sonnent maigre, tandis que les bois font bonne impression, dès les soli de hautbois ou de clarinette pendant l’Ouverture. Les chœurs ont été coupés, tout comme plusieurs reprises ou interventions au sein des airs ou des ensembles. La distribution vocale est dominée par les deux rôles principaux, en premier lieu par la basse Giorgi Manoshvili, sans doute l’un des meilleurs Mustafà à l’heure actuelle, malgré sa toute jeune carrière [lire notre chronique de La tempesta]. On admire la profondeur et la souplesse de l’instrument, tout comme la projection insolente de l’aigu. Le mezzo Marta Pluda compose une Isabella de belle musicalité et correctement déliée dans ses passages d’agilité [lire nos chroniques de Didone abbandonata et Aureliano in Palmira], alors que le ténor Víctor Simón Jiménez Moral, distribué en Lindoro, développe un style élégiaque mais régulièrement fragile dans ses extensions vers l’aigu, en particulier dans l’air difficile en début de second acte. Réglé par Conor Hanratty, le spectacle est simple et fonctionnel, déclenchant régulièrement les rires à gorge déployée d’un très bon public.
La bonne humeur reste de mise pour La fille du régiment [photo], représentée dans le plus petit Jerome Hynes Theatre, en sous-sol du premier bâtiment. Il s’agit d’un accompagnement au piano par Rebecca Warren, les principaux airs de la partition étant joués, sans les parties de chœur, pour une durée d’une heure et quart environ. Dans la mise en scène, aux petits moyens mais efficace, d’Heather Hadrill, les solistes s’expriment dans un français de correcte qualité, devant un public assis au plus près de l’espace de jeu. Le soprano Isabel Garcia Araujo possède les aigus de Marie, mais la voix est assez pointue et les vocalises pas toujours fluides. En Tonio, Chris Mosz déploie le volume d’un ténor léger, mais son aigu est stratosphérique, au point de transformer, dans le fameux air aux neuf contre-ut Pour mon âme, la dernière note en contre-ré. James Wafer complète les rôles principaux en Sulpice, ainsi qu’Emily Hogarty en impayable Marquise de Berkenfeld au vrai-faux accent français (les dialogues sont énoncés en anglais).
On passe du rire aux larmes avec Suor Angelica, donné dans la même salle. Cet opéra en un acte et d’une durée d’une heure environ est joué dans son intégralité, depuis le piano tenu par Giorgio D’Alonzo qui, en quelques notes seulement, sait idéalement installer une atmosphère souvent pesante. La représentation est chantée dans la langue originale et fait passer l’émotion, d’abord par le rôle-titre défendu par le soprano Lorna McLean, même si la tension se fait régulièrement entendre pour émettre les notes les plus aigües. Voix sombre et inquiétante de Grace Maria Wain en Zia Principessa, aux côtés des sept autres titulaires féminines qui prennent aussi à leur charge les parties chorales. Autour d’une fontaine sans eau, avec un mini-jardin dans une brouette à cour dans laquelle Angelica prépare ses remèdes, la mise en scène de Grace Morgan est fidèle au livret.
Autre opus du Trittico puccinien, Gianni Schicchi est programmé dans un lieu complètement différent, soit le Grain Store at Stonebridge, massive bâtisse historique, ancien magasin de céréales. Davantage qu’une classique représentation, il s’agit plutôt d’une performance à laquelle sont conviés les spectateurs, annoncée comme un Community Opera, avec la participation d’habitants de la ville aux côtés des chanteurs issus de la Wexford Factory. Artistes et public, ce dernier en petit nombre en raison de l’étroitesse des circulations, sont invités, ensemble, à changer régulièrement de pièce dans l’édifice, au fur et à mesure de l’avancée de l’exécution. Ces joyeux mouvements créent une belle énergie au cours d’une expérience que l’on peut réellement qualifier d’immersive, avec chanteurs et spectateurs face-à-face, au plus près. Luca Capoferri (piano), Adriam Mantu (violoncelle) et Seamus Whily (clarinette) interprètent la partition avec un très beau résultat, tandis que les chanteurs et chanteuses paraissent prendre du plaisir à cette représentation ludique, comme le baryton Rory Musgrave distribué en Schicchi. L’opéra est chanté en anglais – adieu, donc, O mio babbino caro… –, avec quelques adaptations du texte qui cite plusieurs fois Wexford, Dublin et l’Irlande.
IF