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Chroniques
Ottavio Dantone dirige Accademia Bizantina
Andreas Scholl chante Marcello, Gasparini et Vivaldi
Magnifique soirée italienne que celle proposée par l’Arsenal, un moment qui convoque les musiciens soigneux et passionnés d’Accademia Bizantina qui, depuis vingt ans déjà, parcourt le monde au service d’un répertoire d’une inépuisable richesse, sous la direction attentive d’Ottavio Dantone. La formation de Ravenne présente un programme copieux qui alterne concerti et cantate, ces dernières chantées par le contreténor Andreas Scholl.
La fête commence par une Le Sacrifice d’Abraham de Pietro Paolo Bencini, Sinfonia d’ouverture de l’un des sept oratorios qu'écrivit ce Romain, né vers 1670-75 dans une famille de musiciens dont il sera le plus illustre. Dès 1703, il est introduit parmi les plus grands maîtres de chapelles de la cité des papes et dirige les voix de plusieurs d’entre elles, succédant au respecté Giovanni Bicilli à l’Oratoire San Filippo Neri de la Congrégation Santa Maria di Valcella, en 1705, et reprenant la direction de la prestigieuse Chapelle Giulia de Saint Pierre à la mort du célèbre Giuseppe Pitoni, maître de nombreux musiciens parmi lesquels Leo et Bonporti. Il a produit une douzaine de messes, de nombreux motets, des hymnes et des séquences, tout en formant lui-même son successeur, plus connu aujourd’hui : Niccolo Jommelli. La pièce entendue ici obéit à la forme tripartite, avec mouvement lent au centre. Accademia Bizantina en livre une lecture savamment articulée, particulièrement élégante, dans un bel équilibre général.
Aîné de Bencini d’une quinzaine d’années, Francesco Gasparini fut élève de Legrenzi à Venise avant de devenir assistant d’Arcangelo Corelli auprès duquel il approfondit son art. On lui doit une quarantaine d’opéras, plusieurs pièces d’inspirations religieuses et des recueils didactiques sur la composition, l’art du clavecin et d’autres sujets. Andreas Scholl donne deux de ses cantates : Ecco che alfin ritorno et Destati Lidia mia, thèmes antiques qui auraient pu faire le bonheur d’un Goethe voyageur nostalgique, quelques temps plus tard. Le récitatif de la première – répondant parfaitement à la convention ancienne de la cantate romaine, soit : récitatif/air/récitatif/air – s’avère assez tendu, le chanteur semblant nerveux au début de sa prestation. Le premier air, La pietà che ancor non trova est avantageusement introduit par l’orchestre, tandis que Scholl offre des phrases bien menées, des vocalises libres, sans pourtant parvenir à atteindre l’expressivité requise. Dans Il nocchier nella procella, on saluera l’enthousiaste vivacité de l’accompagnement et un chant un peu plus contrasté, ne dédaignant pas de jouer d’effets barytonnant. En revanche, la seconde cantate est nettement réussie : les musiciens déclinent une sonorité soigneusement travaillée et finement évocatrice dès le prélude à l’air d’ouverture, étonnamment vocal, avant qu’Andreas Scholl s’exprime avec beaucoup de finesse et de poésie. On en admire les tenues, puis un récitatif précis, tandis que la voix peu à peu se déploie. L’œuvre s’achève dans un échange complice entre le chanteur et le premier violon, pour une interprétation vivante et pleine d’esprit.
Nous entendons ensuite le Concerto grosso Op.6 n°4 d’Arcangelo Corelli, joué avec beaucoup de délicatesse, avec toutefois quelques soucis de hauteur de la part des violoncelles, et le Concerto grosso en sol mineur d’Alessandro Scarlatti, ici comme suspendu, avec un mouvement central (Grave) remarquablement réalisé.
Enfin, deux cantates des rivaux vénitiens, Marcello et Vivaldi.
De Benedetto Marcello Quando penso agli affanni arbore une belle Sinfonia, avec un Allegro plaintif, pas toujours très juste, d’ailleurs, un Largo pris rapidement, sans blabla, dans une sonorité pudique, et un Presto à peine allegro, pour le coup ; cela dit, peut-être vaut-il mieux il n’y pas trop virevolter, au risque de donner des airs de concerto à ce qui n’est qu’Ouverture. Dès le récitatif, le contreténor se révèle plus confiant. Il mord son texte avec conviction, amenant l’air Tender puo lacci vers beaucoup de jeu, de vie, d’espièglerie même. Il en aborde chaque trait sans excès de prudence. Altro non amo touche déjà à l’opéra, le chanteur y présentant l’amour comme un état sentimental de dépendance. Il lui offre toute sa voix, pour notre plus grand plaisir. Enfin, la clé de voûte de la soirée est Cessate, omai cessate d’AntonioVivaldi, cantate pour laquelle il faut abandonner le terme de vocal pour celui de lyrique. Quelle plénitude ! Les arie prennent des allures d’opéra, avec des da capo magnifiquement ornés, agrémentés de vocalises brillantes magistralement réalisées. Andreas Scholl est maintenant en pleine forme, à la mesure de ses prestations antérieures (dans les opéras de Händel, entre autre).
BB