Chroniques

par laurent bergnach

Péter Eötvös joue Franck Zappa

Présences / Radio France, Paris
- 13 novembre 2009
entrée de bar à Pest, Hongrie © Bertrand Bolognesi
© bertrand bolognesi | entrée de bar à pest

Figure mythique et marginale du jazz-rock, Franck Zappa (1940-1993) mène des expérimentations qui l’entrainent à la rencontre de Pierre Boulez et de l’Ensemble Intercontemporain. Le 9 janvier 1984, trois de ses œuvres sont créées au Théâtre de la Ville – reprises ce soir, à l’exception de Naval Aviation in Art ? – aux côtés de celles d’Ives, Ruggles et Carter. Certains se posent alors la question : rapprochement de la carpe et du lapin ? Concert gadget ? Sans doute non, répondrons-nous, car Dupres’s Paradise, qui évoque une jam-session dans un bar de Watts (le ghetto noir de Los Angeles) à six heures du matin, trouve sa place dans un « concert américain ».

À part quelques éclairs d’angoisse rappelant la Seconde École Viennoise, on trouve dans cette courte pièce une énergie joyeuse, portée notamment par des cuivres éclatants, que l’on croise chez Gershwin, Bernstein ou même Messiaen. Mais il y a de la dérision chez Zappa, et il faut le croire quand il parle d’un style « ridiculement démodé ». Histoire d’un représentant en aspirateurs faisant du porte-à-porte, The Perfect Stranger semble aussi un clin d’œil au public ; mais ici, l’ennui s’installe rapidement. L’œuvre scintille rondement, comme une boule de sapin : passé Noël, elle ne sert plus à grand chose.

Une autre histoire, une autre facette du Rêve américain nous attend après l’entracte : la destruction de la navette Columbia, peu de temps avant son retour sur Terre, le 1er février 2003. Péter Eötvös a plus d’une fois évoqué sa fascination pour la conquête spatiale – notamment le vol de Gagarine en 1961, dans Cosmos – et cette tragédie l’a marqué. Son projet ancien d’écrire un dialogue entre violon et orchestre s’impose alors pour rendre hommage aux explorateurs : « chacun des sept astronautes a reçu sa cadence dédicatoire personnelle. La composition même reflète la représentation de leurs personnalités, par exemple par des réminiscences des cultures musicales de Kalpana Chawla, l’astronaute américaine née en Inde, et d’Ilan Ramon, le premier Israélien dans l’univers ».

Placés dans les galeries de la salle, six violons forment un écho à la soliste Patricia Kopatchinskaïa, au jeu précis et tranchant. D’une retenue ménageant le suspense, l’Orchestre Philharmonique de Radio France, sous la battue du compositeur, livre aussi des moments plus énergiques, s’appuyant sur une décharge de guitare électrique ou des étincelles percussives. Comme dirait Peter Handke : « nous sommes embarqués ».

IMA (2002), prière pour un continent disparu suit Seven (2006) – imprécisément annoncée en première française alors qu’elle fut entendue à Caen en mars dernier [lire notre chronique du 20 mars 2009]. Second volet d’un diptyque commencé avec Atlantis (1995) [lire notre chronique du 9 février 2007], l’œuvre repose sur le Chœur de Radio France et ses douze Solistes qui regardent l’Atlantide du haut du présent. Derrière leurs claviers Yamaha, Pedro Amaral et Fuminori Tanada complètent une distribution qu’au programme de France Musique l’on retrouvera le 21 décembre prochain.

LB