Chroniques

par pierre-jean tribot

Příhody lišky Bystroušky | La petite renarde rusée
opéra de Leoš Janáček

De Nederlandse Opera, Amsterdam
- 19 février 2006
La petite renarde rusée (Janáček), De Nederlandse Opera, Amsterdam
© dno

Affluence des grands jours au Muziektheater pour la nouvelle production de La petite renarde rusée de Janáček. Petits et grands sont venus célébrer cette partition onirique et ensorcelante aux multiples messages. Pour combler les attentes, la maison s'offre les services de Richard Jones, l'un des meilleurs metteurs en scène actuels. Auteur de somptueux et inventifs spectacles, à l'image de La dame de Pique (Tchaïkovski) présenté à Cardiff et Bruxelles ou de Juliette ou La clé des songes (Martinů) reprise en ce moment à Paris, le scénographe britannique trouve le ton juste pour atteindre l'émotion. Il se contente de raconter une histoire sans tomber dans la surinterprétation, le placage d'intentions malvenues ou le kitsch dans une partition incroyablement délicate à envisager. Les mouvements, dont certaines chorégraphies sont signées de Philippe Giraudeau, sont simples, souvent drôles et efficaces, et les multiples transitions entre le monde des animaux et celui des humains gérées avec soin. Les costumes et le décor d'Anthony McDonald sont des merveilles de beauté et d'inventivité : les scènes d'ensembles deviennent un festin pour les yeux.

La réussite est également musicale. Dans la fosse, le directeur musical Ingo Metzmacher s'impose comme l'un des meilleurs interprètes du compositeur. Le chef allemand réussit la quadrature du cercle : tension dramatique, souffle narratif, transparence des lignes mélodiques et puissance de l'ensemble. Sous sa battue, le Radio Filharmonisch Orkest donne une leçon de discipline orchestrale. La richesse et la caractérisation des timbres, si importante dans cette musique, sont idéales. La phalange amstellodamoise, visiblement ravie de sa performance, applaudit d'ailleurs chaleureusement Metzmacher à l'issue du spectacle.

Nécessitant pas moins de vingt et un chanteurs pour des rôles qui parfois n'excèdent pas quelques notes, La petite renarde rusée requiert des artistes dont les capacités d'acteurs doivent illustrer le monde animal. Le défi est là aussi relevé par le Nederlandse Opera. Le couple de renards est porté par la Renarde de Rosemary Joshua. Son timbre riche et sa technique sans faille font un sort au personnage, alors qu'elle se fond avec mutisme et espièglerie dans la fourrure du charmant mammifère. L'Autrichienne Natascha Petrinsky, à l'occasion de sa prise de rôle en Renard, est un cran en dessous : la technique et l'engagement scénique sont dignes d'éloges, mais le timbre se métallise au fil de la représentation. Le baryton Dale Duesing, (dont on ne dira jamais assez qu'il est une personnalité musicale exceptionnelle) s'assure un grand triomphe en Garde chasse. Avec l'âge, la couleur n'est plus aussi éclatante, mais un artiste de ce niveau masque cette faiblesse pas une intelligence musicale et un engagement dramatique hors pair. Saluons les prestations particulièrement convaincante d'Alexandre Kravets (Instituteur), Clive Bayley (Curé) et de Robert Poulton (Harasta). Dans la pléthore de petits rôles animaliers, on remarque de jeunes et talentueux chanteurs néerlandais : Charlotte Riedijk, Monique Scholte, Corinne Romijn, Marion van den Akker, Ineke Berends et Maartje de Lint.

Salué par une standing ovation, ce spectacle témoigne de l'excellence de la saison de la capitale batave et de sa place dans l'élite des maisons d'opéras européennes.

PJT