Chroniques

par bruno serrou

Paavo Järvi inaugure son mandat
l’Orchestre de Paris joue Dukas et Sibelius

Salle Pleyel, Paris
- 15 septembre 2010
© dr

Concert événement, mercredi Salle Pleyel, avec la prise de fonction de Paavo Järvi comme directeur musical de l'Orchestre de Paris devant un parterre de happy few, beaucoup moins nombreux néanmoins qu’un soir de première à l’Opéra. Côté personnel politique, présence de la ministre de la culture d’Estonie, mais absence remarquée de son alter ego français – peut-être l’Estonie est-elle considérée par nos politiques comme un trop petit pays en regard de la grandeur de la France –, représenté par son chargé de la création, ancien directeur de l’Orchestre de Paris, qui, à son tour, n’aura pas daigné non plus participer aux toasts de bienvenue d’après-concert. Seul l’adjoint au maire de Paris chargé de la culture, M. Christophe Girard, aura répondu aux propos de la ministre estonienne.

Ouverture en fanfare, néanmoins, de la collaboration de Paavo Järvi (quarante-huit ans) avec l’Orchestre de Paris (quarante-trois ans), avec celle du poème dansé La Péri de Paul Dukas qui aura précédé la longue cantate Kullervo (pour deux solistes, chœur d’hommes et orchestre) de Jean Sibelius. Concert manifeste pour le chef estonien, aux goûts et aux styles éclectiques, qui, comme il est rapporté en liminaire du programme de salle, entend défendre « la pluralité des styles – avant-garde, minimalisme, spiritualisme –, sans exclusive, pourvu que nouveauté et qualité aillent de pair ». Le nouveau boss de l’Orchestre de Paris ne craindra donc pas de mêler œuvres nouvelles, répertoire et pages méconnues, comme en ce premier soir de vie commune, ce qui aura peut-être refroidi l’ardeur d’un public peu aventureux ainsi que celle des édiles politiques.

Composé en 1911, créé le 22 décembre 1912 au Théâtre du Châtelet sous la direction de son auteur, La Péri est connu par sa seule fanfare introductive. Il s’agit pourtant de l’ultime œuvre avec orchestre du compositeur, mais aussi la plus accomplie, avec ses thèmes d’une clarté extrême, ses timbres vifs-argents, sa dynamique d’une rare concision. Antérieure de deux décennies, créée le 28 avril 1892 à Helsinki sous la baguette du compositeur, la cantate Kullervo est une partition hybride et inégale, souvent répétitive et longuette, parfois tellurique et géniale, hélas non dépourvue de tunnels – il suffit de songer à la bouleversante cantate Das klagende Lied que Mahler écrivit quasi au même âge que le Finlandais pour mesurer le monde qui sépare les deux hommes.

De ces deux œuvres, Paavo Järvi a donné des lectures bien léchées, ce qui sied à Dukas, mais moins à Sibelius qui souffrit d’une interprétation trop terrienne et univoque, soulignant ainsi les longueurs que le compositeur saura judicieusement gommer avec le temps dans ses œuvres futures, jusqu’à l’ascèse.

BS