Chroniques

par michel slama

pages sacrées de Fauré et McMillan
Chœurs et Maîtrise de Notre-Dame de Paris

Orchestre de Chambre de Paris, John Nelson
Cathédrale Notre-Dame, Paris
- 24 mai 2016
le compositeur écossais James McMillan (né en 1959) © Philip Gatward
© philip gatward

Deux pages sacrées de Gabriel Fauré encadrent un Credo de James McMillan, en ce superbe programme donné à Notre-Dame par l’Orchestre de Chambre de Paris que dirige John Nelson. Avec le Cantique de Jean Racine Op.11 (1865) et le Requiem (1888), nous disposons un peu de l’alpha et l’oméga de la musique sacrée du compositeur ariégeois. Écrit par un Fauré de dix-neuf ans, le Cantique n’a jamais quitté les salles de concert. Sa foi jubilatoire et sa tendresse sont immédiatement accessibles à l’auditeur le moins chevronné. Se souvenant de Felix Mendelssohn qu’il admirait beaucoup, il fut conçu pour chœur et accompagnement de piano ou orgue. C’est la version pour chœur et orchestre qui est ici jouée. L’Orchestre de Chambre de Paris y est magistral sous la direction de John Nelson qui longtemps fut son chef titulaire. On regrettera peut-être un déséquilibre entre les Chœurs et la Maîtrise de Notre-Dame et la formation instrumentale qui accapare l’espace sonore de la cathédrale, à notre plus grand plaisir... Acoustique particulière ou volonté du chef, l’orchestre n’a jamais si bien sonné !

Né en 1959, James McMillan [photo] est un compositeur et chef écossais empreint de spiritualité et d’investissement politique. Sa foi lui inspira de très nombreuses œuvres religieuses, dont un Magnificat (1999) et plusieurs messes, mais aussi des opéras, des symphonies et de la musique de chambre. Sa facture, pour contemporaine qu’elle soit, reste tout à fait abordable et fort contrastée, alternant magnificence et intimité, héritée de la tradition anglaise de Taverner à Britten [lire notre chronique du 4 février 2006]. En 1999, à l’occasion de la reconstitution du Parlement Écossais, McMillan a composé une fanfare pour l’arrivée d’Elizabeth II à la nouvelle Chambre. John Nelson a choisi de faire découvrir un Credo de ce créateur peu joué en France et qu’il connaît bien. Créée en 2012, cette œuvre puissante d’une vingtaine de minutes est constituée de trois mouvements croissant en durée et correspondant à la Sainte Trinité (Père, Fils et Saint Esprit). Dans cet espace liturgique exceptionnel, l’exécution est enthousiasmante.

La Messe de Requiem en ré mineur Op.48 fut composée à la fin de la vie de Fauré, à l’occasion de l’enterrement d’un paroissien de l’église de la Madeleine où le compositeur tenait la chaire d’orgue. Il ne s’agit donc pas d’un hommage à une personnalité marquante mais plus d’une réflexion de l’auteur au crépuscule de sa vie. Aux antipodes de la mode opératique des Requiem de Berlioz ou de Verdi qui régnait alors, Fauré conçut une œuvre tendre et intimiste à l’émotion vibrante, sans l’habituel Dies Irae fracassant et tumultueux, pour s’achever sur un In Paradisum libératoire mais serein.

La vision de Nelson peut apparaître un peu trop violente et grandiose pour certains, mais à la fois recueillie et radieuse. Cette conception se défend d’autant plus que le lieu le permet et que le chef respecte l’effectif chambriste, son équilibre avec les chœurs et la délicate maîtrise et l’intervention des deux solistes. Matthew Brook est pétri d’humanité et s’inscrit dans la conception complexe de Nelson. Ses interventions sont probantes sans provoquer l’effroi menaçant de certains chanteurs trop théâtraux. Ce baryton-basse se produit dans le monde entier sous la direction des baguettes les plus réputés, comme Gardiner, Hickox, Mackerras ou Rousset. Pour le Pie Jesu, le choix d’un soprano issu de la Maîtrise de Notre-Dame de Paris est judicieux, surtout quand elle a une aussi jolie voix et qu’elle chante juste. Ce moment d’une extrême spiritualité est souvent mal servi par des soprani trop lyriques qui en affaiblissent le côté ineffable et innocent. Ici, pas de problème, l’émotion extrême et le trac de la jeune soliste attirent définitivement la sympathie.

Une grande et belle soirée fêtée par un public comblé, venu en nombre et qui patienta plusieurs heures avant de pouvoir assister au concert, comme on voudrait en voir programmer encore beaucoup d’autres.

MS