Chroniques

par bertrand bolognesi

pages testamentaires par Jonathan Nott
Orchestre de l’Opéra national de Paris

Salle Pleyel, Paris
- 11 septembre 2008
le chef britannique Jonathan Nott
© dr

Si la rentrée de l’Opéra est marquée par le nouvel Eugène Onéguine du Bolchoï [lire notre chronique du 8 septembre] et la visite du New York City Ballet, elle rendra également hommage à Olivier Messiaen tout un week-end durant (du 3 au 5 octobre), ce que le concert de ce soir semble annoncer en introduisant la Neuvième de Mahler par Un sourire, dernière page créée du vivant du compositeur. La grande mélopée de ce regard ému vers Mozart est livrée dans une pâte onctueuse qui nimbe toute idée de pulsation. Soigneusement réalisés, les équilibres timbriques contrastent idéalement avec l’exactitude des incises percussives et la surprise des chants d’oiseaux, d’une tranchante précision. Jonathan Nott invite les musiciens de l’Orchestre de l’Opéra national de Paris dans une exécution d’une vitalité recueillie qui stimule particulièrement l’écoute.

Se poursuivant par la Symphonie en ré majeur n°9 de Gustav Mahler, c’est sous le signe des dernières qu’est placée la soirée. On le sait : de sa Dixième, le compositeur n’achèverait que l’Adagio ; quant à la présente partition, il disparaîtrait sans avoir pu en diriger la création.

Jonathan Nott se garde de toute emphase, présentant un Andante comodo brillamment dessiné qu’il préserve sainement de vicissitudes dramatiques, se concentrant plutôt à en faire sonner les mérites. Certes, il n’hésite pas à faire rutiler son médium, ce qui, du reste, n’est pas antagoniste dans une partition écrite par un chef qui connaissait parfaitement les effets auxquels il allait recourir. Pourtant d’une inflexion rigoureuse, le geste va s’élargissant, tout au long de contrastes parfois crus. L’auto-désignation de l’extinction du mouvement, ciselée à l’extrême, se laisse cependant un peu trop devinée. Cette tendance à forcer le trait nuit à l’interprétation du Ländler qui, à perdre en élégance, ne gagne rien en expressivité. Les traits solistes du Rondo-Burleske s’affirment extrêmement gracieux, dans un tissage clair qui renoue avec la lecture du premier mouvement, jusqu’au roboratif déploiement d’énergie final.

Ce grand détachement des trois premières pages de la symphonie se trouve magistralement contredit par l’Adagio conclusif auquel Nott accorde un tout autre investissement. Aux commentateurs qui ont cru pouvoir entendre la résignation dans ce passage, le chef britannique répond par l’évidence de l’abattement, principalement traduit par les risques pris avec la nuance, osant des pianississimi précaires d’une sensibilité à fleur de peau.

BB