Chroniques

par vincent guillemin

Parsifal, Acte III
Andris Nelsons dirige le Sinfonieorchester des Bayerischen Rundfunks

Lucerne Festival / Kultur und Kongresszentrum, Lucerne
- 12 avril 2014
à Lucerne, Parsifal (Wagner) par Andris Nelsons
© marco borggreve

Présenté en concert symphonique, le seul Acte III de Parsifal, joué ce soir au KKL, est l’occasion d’identifier l’approche d’Andris Nelsons avant qu’il dirige l’ouvrage intégral à Bayreuth en 2016. Informé qu’il aura suffi d’à peine trente minutes de répétition le matin même pour préparer ce concert, alors que le Sinfonieorchester des Bayerischen Rundfunks jouait la veille un Sacre du printemps sous la baguette de Gustavo Dudamel, toutes les craintes qui auraient pu subsister quant à la maturité d’un chef de trente-six ans, dans son rapport à la Gesamtkunstwerk wagnérienne, ont disparu en quelques minutes.

Même en connaissant le Bühnenweihfestspiel par cœur, il faut s’adapter lorsque la musique débute au dernier acte, sans avoir été préparé à nombre de leitmotive préliminaires ni à cette atmosphère si spécifique. Une fois passé ce temps, l’évidence d’une direction magistrale ne fait aucun doute, la finesse d’analyse de la partition s’ajoutant à une maîtrise du climat très éthéré, qui ne sombre jamais dans le pathos. Moins travaillé et certainement moins recherché qu’avec Daniele Gatti, le mysticisme est pourtant une réalité, appuyée par chaque phrase avec une grande retenue, en opposition avec les larges gestes des bras et du corps que fait le chef. L’orchestre participe lui aussi de l’ambiance si profonde, car ce n’est que plusieurs heures après la représentation que surgit l’idée qu’aucune fausse note ne fut entendue dans aucun pupitre, et pas plus d’erreur d’attaque chez les cuivres pour lesquels la partition est impardonnable. Même le Bayerisches Staatsorchester, issu de la même ville ou l’Orchester der Wiener Staatsoper, pourtant habitués à donner l’ouvrage à chaque Pâques, n’ont pas cette capacité à jouer aussi parfaitement cette musique. Le chœur appelle le même niveau d’éloge, bien qu’ici la partie soit moins complexe et qu’il soit plus facile d’entendre aussi bon dans les salles allemandes et autrichiennes.

Des solistes, oublions rapidement la Kundry de Sabine Staudinger – non qu’elle démérite, mais l’intervention du personnage dans cet acte se résume à deux cris identiques, un troisième plus forcé, puis deux fois « Dienen », avant qu’il s’efface définitivement. Entre temps, Gurnemanz est entré sur scène, incarné par Georg Zeppenfeld. Difficile de lui trouver reproche à faire, tant chacune des prises de rôle de ce chanteur est d’un degré élevé, même lorsque fortes sont les concurrences actuelle et passée. En plus du poids émotionnel de chaque mot et d’une diction parfaite, la basse use d’une ligne de chant quasi dénuée de vibrato et d’une palette de couleurs allant du beau médium au grave chaleureux et profond. À côté, l’Amfortas de Tomasz Konieczny semble plus limité, toute relativité gardée. Marquant dans Wotan, le baryton apporte moins à ce rôle dont il ne fait pas ressortir toute la détresse du chant (peut-être parce qu’il s’agit d’une version de concert). Les graves sont parfaitement maitrisés, mais la voix se tend plus vers l’aigu, et le souffle vient parfois à manquer en fin de phrase.

Enfin, Simon O’Neill est une très bonne surprise [lire notre chronique du 18 décembre 2013], non seulement dans une grande forme vocale, mais encore avec un vrai tempérament et une implication dans le rôle-titre. Peut-être lui manque-t-il toutefois une prononciation précise et un timbre « divin », à l’instar de celui de Klaus Florian Vogt.

D’une grande puissance, ce concert préparait le public à l’impact qu’il vivra certainement au Bayreuther Festspiele 2016, dans la salle précisément construite pour Parsifal. L’excellente acoustique du KKL limite cependant quelques imbrications chœur/orchestre qui ne peuvent être entendu que sur la colline verte.

VG