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Chroniques
Pascal Rophé dirige le Philhar’
hommage à Gérard Grisey
Dix ans après sa mort, le festival Agora célèbre Gérard Grisey (1946-1998), compositeur qui réinventait le phénomène sonore, notamment en rejoignant le courant spectral et en croyant aux pouvoir des notes au delà de la sphère esthétique – n’écrit-il pas : « lorsque la musique parvient à conjurer le temps, elle se trouve investie d’un véritable pouvoir chamanique, celui de nous relier aux forces qui nous entourent » ? Après Le Noir de l’Étoile, donné hier en l’Église Saint-Eustache en prologue à la manifestation annuelle, et Vortex Temporum qui en marquera le terme (20 juin), cette soirée d’ouverture fait entendre L’Icône paradoxale. Composée de 1992 à 1994, cette œuvre pour deux voix de femmes et grand orchestre divisé en deux groupes est créée à Los Angeles, le 18 janvier 1996. Sous un titre emprunté à Yves Bonnefoy, elle se veut un hommage à La Madonna del Parto, fresque de Piero della Francesca visible à Monterchi (Toscane). Peu après une introduction assez sèche des percussions, la voix entre en jeu. En liaison avec le petit ensemble qui les entoure, divisé lui-même en deux groupes symétriques, le soprano Susan Narucki et le mezzo Lani Poulson, timbres sonores et ronds, « dessinent une lente évolution de la voyelle aux consonnes, de la couleur aux sons bruités, du son tenu aux rythmes ».
Il y a quelques jours, nous apprenions que la création mondiale de Speakings n’aurait pas lieu à Paris, comme prévu. Deux œuvres anciennes de Jonathan Harvey [photo] la remplacent : le bien connu Mortuos Plango, Vivos Voco (1980) – pièce pour électronique en huit sections fondée sur le spectre riche d’une grande cloche ténor et la voix d’un jeune garçon – et Madonna of Winter and Spring pour orchestre, synthétiseurs et électronique (1986), renfermant une belle énergie, ainsi que des passages plus introspectifs. En fin de concert, certains s’offusquent que les dix minutes de la première soient enchaînées à l’œuvre de Grisey, sans que l’on puisse faire la part des applaudissements. Quant à nous, on regrette qu’elle vienne alourdir un programme déjà copieux qui aurait gagné à voir Elliott Carter joué en première partie et non suivi d’une partition de quarante minutes.
Pour son Concerto pour violoncelle et orchestre (2000), le compositeur américain a privilégié le contraste fort plutôt que la reprise symphonique d’un matériau traité par le soliste. Bientôt accompagné d’attaques musclées de l’Orchestre Philharmonique de Radio France, Marc Coppey offre dès l’introduction un jeu vif et expressif, quoiqu’un peu sourd. En ce qui le concerne, Pascal Rophé convainc par une direction nuancée et un équilibre efficace des pupitres – les cuivres s’imposent tout particulièrement.
LB