Chroniques

par bertrand bolognesi

Paul McCreesh et The Gabrieli Consort and Players
Joseph Haydn | The Seasons (Die Jahreszeiten) Hob.XXI.3

Théâtre des Champs-Élysées, Paris
- 21 janvier 2012
le chef Paul McCreesh photographié par Nicolas Brodard
© nicolas brodard

Quelques mois après le grand succès rencontré par Die Schöpfung à Vienne, c’est un Haydn âgé qui se lance dans la composition d’un nouvel oratorio d’envergure comparable, Die Jahreszeiten, qu’il mène à terme en deux ans. Aux vers de John Milton succédaient alors ceux de James Thomson, via le baron van Swieten dont le décès en 1803 viendra suspendre le projet d’un troisième opus qui aurait du boucler le cycle haydnien initié en 1796. En mai 1802 paraît une édition surprenante en ce qu’elle propose les livrets traduits en français et en anglais. Ainsi ne verra-t-on pas ombrage à ce que l’œuvre soit chantée en ces différentes langues – bien qu’à certains commentateurs qui, à la justifier ont souligné le caractère « universel » du thème des saisons, il conviendra de rappeler qu’un Nouveau Monde fut autrefois découvert, par conséquent que le natif d’un climat tropical demeure exclu de cette universalité-là. Tout naturellement, c’est la version anglaise – The Seasons, dont l’inflexion particulière révèle d’autant plus la filiation entre l’œuvre et les grands oratorios händéliens – qu’interprètent ce soir les voix des Gabrieli Consort and Players.

Saluons d’emblée la ciselure raffinée et toujours d’à-propos des nombreux figuralismes de la partition. Au pupitre, Paul McCreesh, fondateur de l’illustre formation, livre une version à la délicatesse éclairée qu’il contraste judicieusement. Ainsi l’esthétique particulière de l’ouvrage se révèle-t-elle à chaque pas, avec un art certain du relief, hormis l’aspect de piété qui transparaît ici comme assez tiède. La vivacité de l’inflexion saisit favorablement l’écoute, sans pour autant la « stimuler » trop, pour ainsi dire. Saluons également la conduite de la dynamique, toujours avisée, et signalons la relative raideur des fugues chorales dont n’est révélée que la sûre architecture, de façon plutôt collet monté, quel qu’en soient les vers.

À un chœur somptueusement équilibré et parfaitement intelligible (ce qui demeure rare, avouons-le) répond un trio solistique globalement satisfaisant. La basse Christopher Purves s’annonçant souffrante, nous goûtons la prestation efficace d’Andrew Foster Williams. La couleur vocale est corsée, prégnante l’exécution, dans une diction à l’évidente superbe dramatique. Si, au delà de récitatifs parfois légèrement instable (bas-médium, surtout), le soprano bavarois Christiane Karg offre une tendresse de timbre proprement mozartienne aux parties qui lui sont confiées, avantagées d’un aigu lumineux, le ténor Allan Clayton affirme des qualités qui en font indéniablement le favori de la soirée. Outre la clarté séduisante de la couleur vocale, la souplesse de l’émission convainc, tout comme la pertinence du phrasé, un art cultivé de la nuance, osant des pianississimi d’une douceur inouïe qui jamais ne détimbrent, tout en affermissant l’attaque lorsque l’exige le texte.

BB