Chroniques

par loïc lachenal

Pelléas et Mélisande
opéra de Claude Debussy

Opéra national de Lyon
- 5 mars 2004
Pelléas et Mélisande (Debussy) vu par Peter Stein à l'Opéra de Lyon
© dr

Bien des éléments d’a priori nous donnaient envie de voir Pelléas et Mélisande à Lyon : Peter Stein reprenant son spectacle, plusieurs prises de rôles, la présence attendue d’un chef, etc. Toute cette émulation et ces attentes « pré-spectacle » n’ont pas été replies, loin s’en faut, et c’est entre chien et loup que nous quittons le vaisseau noir.

Première et énorme déception : la distribution, très inégale, convoque le passable et le pire sans pour autant s’arrêter par la case du meilleur (à l’exception d’un rôle). Les « titres », tout d’abord : Patricia Petibon est complètement en dehors du personnage (prise de rôle), ses jérémiades et gesticulations incessantes en font une Mélisande hystérique plutôt qu’énigmatique, nymphomane plutôt qu’innocente. C’est fort énervant. Irritant aussi Tracey Welborn, souvent fâché avec la justesse, et en aucun cas à la mesure de Pelléas.

Transparent, le Golaud de Paul Gay (prise de rôle également) qui, n’habitant pas son personnage, pourtant le plus complexe et riche de l’œuvre, le fait quasiment passer pour un cocu de vaudeville ! Il se paye le luxe de faire rire quand il apprend de Mélisande la perte de son anneau et quand il l’a surprend à la fenêtre avec le frère rival. Frode Olsen campe un Arkel à bout de souffle, tant vocalement que scéniquement, mais, bien que malmenant sa ligne de chant, il réussit à émouvoir en fin de parcours. La seule à tenir plus que correctement son rôle est Nadine Denize, ayant probablement le plus de métier et aussi la totale maîtrise de Geneviève. Encore une fois, nous la retrouvons avec une immense plaisir. Elle nous chante une très émouvante lettre et répand une aura bienfaisante sur scène.

L’Orchestre de l’Opéra national de Lyon semble en bonne forme, rondement mené par Ed Spaanjard. Cette lecture est efficace et claire, sans lyrisme outrancier ou déplacé, maîtrisant la partition avec évidence. Seuls manquent parfois la richesse de la palette sonore et l’irisation debussyste. Certes, le musicien est raffiné ; nous serions juste tenté de dire presqu’un peu trop…

Quant à la mise en scène de Peter Stein, considérons que la réussite est totale. Respectant à la lettre les indications du livret et bien que plaçant le drame dans un univers empirique parfois peu réaliste, il réussit à rendre limpides trames et enjeux. Il rythme les tableaux d’un changement de décors, utilise découpes lumineuses et éclairages, les images s’enchaînant et les scènes nous sollicitant toutes avec une intensité croissante : comme un démon qui vous ronge ou un serpent de mer qui rampe. L’issue fatale voit la réapparition du soleil : avant de mourir Mélisande a donné vie à une petite fille, l’histoire doit continuer.

LL