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Chroniques
percussions en chambre II
Berio, Markeas, Ohana et Scelsi
À l’heure où la construction d’une Philharmonie de 2400 places alimente les conversations parisiennes, des lieux intimistes à l’acoustique idéale continuent de servir au mieux la musique de chambre. Au Studio Charles Trenet, aujourd’hui comme hier [lire notre chronique du 26 janvier 2007], le plaisir est complet puisque les musiciens de l’Orchestre National de France offrent un programme consacré à la percussion, abordée par trois figures marquantes du XXe siècle.
De Maurice Ohana, Quatre études chorégraphiques est donné de la dernière pièce à la première, ouvrant et fermant la soirée. Composée en 1955 pour un exécutant, la version définitive de l’œuvre pour six intervenants fut créée le 8 juin 1963, par ceux qui allaient bientôt s’appeler Les Percussions de Strasbourg. « La percussion, disait le natif de Casablanca, c’est l’équivalent du quatuor à cordes, et elle se prête à des subtilités égales à celles du quatuor à cordes ». Effectivement, différents procédés et climats se succèdent : effets de sons hors tempérament entre le lamellophone et les cloches posées, couleurs mates des peaux frappées (Étude IV), ambiance mystérieuse où le son se déforme (Étude III), rythme évoquant des cérémonies primitives (Étude II), périodes mélodiques où l’harmonie se transmute en densité (Étude I), etc.
Giacinto Scelsinous entraîne vers plus d’intériorité encore.
Le compositeur – qui a opposé le grand respect avec lequel les Orientaux frappent les gongs de leurs temples aux cloches de nos églises maltraitées par les sacristains – fut très sensible à la dimension sacrée du métal frappé. Dans Riti : « I Funerali d’Achille » pour quatuor (1962), un bourdon au grave obsédant enveloppe la pièce dans une atmosphère pour le moins captivante. De même Trio, composé lors de la décennie précédente, mêle clochettes à des réminiscences de gamelan, puis se termine juste avant que ne s’épuise le matériau. Enfin Hyxos (1955) exploite les possibilités de la flûte en sol de Michel Moraguès, accompagnée par deux gongs.
Sensible à « une continuité réelle, perceptible, compréhensible avec la pratique musicale ancienne et populaire », dans nombre de ses œuvres Luciano Berio se réfère, à la musique du quotidien (Due Cori popolari, Tre canzoni siciliani, Folk Songs, etc.). Dans Naturale, c’est la voix âpre et nasillarde d’un chanteur enregistré à Palerme qui sert de base à une pièce pour alto, marimba, tam-tam et bande sonore. Après Christophe Desjardins, récemment, c’est au tour de Nicolas Bône d’être accompagné par Florent Jodelet [photo], omniprésent ce soir. D’abord un peu raide, l’altiste nous embarque dans une musique qui n’a pas pris une ride, faisant oublier sa durée. Quelle différence avec Actions-Réactions d’Alexandros Markeas, bavard et daté, à des kilomètres des murmures, cris et silences poignants entendus jusque là.
LB