Chroniques

par gérard corneloup

Peter Grimes
opéra de Benjamin Britten

Grand Théâtre, Genève
- 27 mars 2009
Peter Grimes, opéra de Britten au Grand Théâtre de Genève
© gtg | pierre-antoine grisoni

Bourreau ou victime ? Victime de la fatalité ou du hasard ? Mais le hasard existe-il vraiment ? L’individu peut-il vivre sa marginalité face à une communauté soudée par ses habitudes, ses traditions, sa religion, ses commérages et son puritanisme hypocrite ? Premier et longtemps opéra le plus joué de Benjamin Britten, Peter Grimes pose incontestablement au spectateur ces diverses questions ; et quelques autres. On imagine quel terreau il y a là pour un travail scénique pertinent, curieux, imaginatif. L’ouvrage offre également une partition d’une grande richesse, sinon d’une grande concision, ponctuée par deux éléments phares : des épisodes choraux superbement traités et conduits, des interludes orchestraux qui sont autant d’échappées vers l’univers des notes, dans lesquels le compositeur se meut avec infiniment de bonheur.

En revanche, ce sont là deux composantes redoutables pour un metteur en scène, un véritable banc de récifs sur lequel une conception scénique trop hâtive peut voir ses ambitions se fracasser. C’est un peu le cas pour le roboratif travail de Daniel Slater : les masses chorales sont banalement véhiculées et les épisodes symphoniques sont gâtés par des scènes anecdotiques, quand ce ne sont pas des poissons sur toile peinte qui s’envolent dans les airs – plus prosaïquement vers les cintres. Le décor unique, d’ailleurs fort laid, a beau être trituré dans tous les sens, il donne avant tout dans l’anecdote, sous des éclairages particulièrement mal menés.

On l’aura compris : il reste au mélomane à se raccrocher à la composante musicale. Et là, fort heureusement, il se régale !

Par la direction subtile de Donald Runnicles, d’abord, mais aussi et surtout par la cohésion, la précision et la musicalité d’une équipe vocale aussi valeureuse que soudée. Au niveau des Chœurs tout d’abord, vrai personnage à part entière commentant et activant le drame. Au niveau d’une distribution où chacun est à sa place, même si le ténor Stephen Gould confond parfois décibels – et donc dureté des aigus – et expressivité. À côté d’artistes comme Peter Sidhom (Balstrode) et Carole Wilson (Tantine), le cast est dominé par la merveilleuse et bouleversante Gabriele Fontana dans le rôle pourtant délicat d’Ellen, à la fois femme aimante et compatissante, où font merveille sa personnalité comme la ductilité d’une ligne de chant de rêve.

GC