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Chroniques
Phaedra | Phèdre, cantate dramatique de Benjamin Britten
Dido and Aeneas | Didon et Enée, opéra d’Henry Purcell
Quelle excellente idée ! Regrouper en un seul spectacle deux destins de femmes antiques que finit le suicide, et puisés dans le répertoire britannique. Tout d’abord Phaedra de Benjamin Britten. Il ne s’agit pas d’un opéra mais d’une cantate dramatique pour mezzo-soprano et petit orchestre composée en 1975. Yannis Kokkos a cependant imaginé représenter l’œuvre. Du long mur de biais au sol laqué, tout l’espace est rouge, de ce rouge de la passion dont mourra Phèdre…en robe rouge. On connaît l’histoire de la nouvelle épouse de Thésée amoureuse du fils de son mari qu’elle accuse, sur le conseil de sa suivante Oenone, de nourrir une passion indécente à son égard, parce qu’elle en rêve secrètement et pour le faire éloigner d’elle par un père jaloux. Cela tourne mal : le jeune homme meurt de cet exil, Phèdre s’accuse et se donne la mort.
Seule en scène, elle raconte, en une courte demi-heure, son coup de foudre, ses désirs, sa culpabilité, son honneur cent fois perdu en pensée. Ici l’accompagne une sorte d’ombre, tour à tour possible Œnone, ou double de la jeune reine, peut-être Thésée, bel Hippolyte coupable d’innocence, parfois, voire la mort elle-même cherchant sa proie. Stéphanie d’Oustrac tient le public en haleine avec un texte souvent elliptique pour qui se souviendrait mal de Racine, grâce à une expressivité des plus vives et à une vaillance appréciable. Le timbre est bien celui d’une reine, fière dans sa souffrance. On notera une très belle couleur sur l’ensemble de la voix, avec des graves profonds, sombres et d’une stabilité exemplaire.
Nous la retrouvons après l’entracte dans le rôle de Didon, reine de Carthage du célèbre ouvrage d’Henry Purcell, Dido and Aeneas. Les questions de style manquent d’être prises en considération, si bien qu’on rencontre une héroïne vériste faisant, fort plaisamment il est vrai, montre de ses moyens, plutôt que la reine orgueilleuse et digne d’une œuvre écrite au XVIIe siècle pour les habitudes déclamatoires que l’on sait. La mort de Didon est alors privée de toute grandeur, cinématographique et grimaçante. Certes, Stéphanie d’Oustrac s’avère bonne chanteuse, mais sans doute n’aurait-il pas été inutile de s’interroger avant de chanter Purcell et Britten de la même façon (c’est assez inexplicable lorsqu’on pense à ses prestations aux côtés de William Christie).
Brigitte Fourniersert Belinda ave délicatesse et précision, tandis que Stephan Loges propose un Enée plutôt mièvre au timbre sans personnalité et souvent extrêmement confidentiel. La magicienne d’Hanna Schaer se montre terrifiante à souhait, le timbre s’assombrissant encore plus que de coutume pour ce rôle d’une noirceur absolue, mais souffre toutefois d’une déroutante instabilité.
Pour Dido and Aeneas, Yannis Kokkos réutilise le sol rouge, situa l’action dans un paysage conventionnel de tableau du XVIIe siècle, avec jardin, temple, pavillon et danse à l’antique. On retrouve le rouge sur les costumes du chœur, surmontés de fraises élisabéthaines toute shakespeariennes. C’est l’apparition des sorcières qui, sans conteste, demeure le passage le plus réussi de cette seconde partie. L’ombre de Phèdre vient errer près du cadavre de Didon à la fin du spectacle : la boucle est bouclée.
En fosse, le travail de Jane Glover paraît nettement insuffisant, les cordes de l’Orchestre Symphonique et Lyrique de Nancy semblant comme laissées à elles-mêmes, en tout cas fausses, surtout dans la partition de Britten, avec des phrases de violoncelle beaucoup trop approximatives. Pas de réelle tentative d’interprétation à signaler.
BB