Chroniques

par vincent guillemin

Philharmonia Orchestra, Andris Nelsons
Aerial de Gruber et Symphonie n°5 de Mahler

Royal Festival Hall, Londres
- 22 février 2015
à Londres, Andris Nelsons dirige le Philharmonia Orchestra : 5ème de Mahler
© marco borggreve

Créé en 1999 par le BBC Symphony Orchestra sous la direction de Neeme Järvi, le premier des deux concerti pour trompette d’Heinz Karl Gruber, Aerial, était composé dès le départ pour Håkan Hardenberger, toujours aussi efficace quinze ans plus tard. Alternant trompette, trompette piccolo et corne animale, il développe sa partie soliste avec une dextérité impressionnante, accompagné par Andris Nelsons dans une atmosphère diaphane où le soliste a toute liberté de s’épanouir.

La Symphonie en ut # mineur n°5 de Gustav Mahler impressionne dès le premier accord de trompette, joué sans aucune emphase, alors qu’un climat pesant emplit le Royal Festival Hall dès l’entrée des cordes. Le chef letton aborde la plus célèbre des symphonies du maître autrichien avec un discours prouvant qu’il reste encore à découvrir dans cette œuvre. Dans la Trauermarsch initiale, les sonorités militaires sont adoucies pour faire ressortir les plus funèbres en évitant tout impact violent, tandis que dans le même temps la maîtrise du tutti permet de faire ressortir comme rarement ceux analogues à Der Tambourg'sell (un des Knaben Wunderhorn Lieder). S’il est encore décrit en France comme un chef « électrique », c’est à l’inverse un chef très doux qui se fait entendre ici, avec une particularité pouvant toutefois expliquer le premier adjectif : à la manière de Kirill Kondrachine avant lui, il joue pianissimo dès qu’il le peut pour donner plus de force aux forte, sans jamais amener l’orchestre à saturation.

Après un long développement pour lequel il prend son temps, Nelsons aborde avec fièvre l’introduction du deuxième mouvement, Stürmisch bewegt (orageux et animé), puis fait tout pour réorganiser le calme dès l’entrée des bois. Il applique rigoureusement le principe de tripartition de la symphonie en rapprochant clairement cet épisode du précédent, inclus tous deux dans la première fraction. Le Scherzo suivant compose à lui seul la deuxième partie ; dirigé sans aucune expansivité, il ne recherche rien d’autre que les surprises et l’humeur radieuse de la partition où, d’ailleurs, les cors et les trombones du Philharmonia Orchestra pourraient être plus propres.

Pris sur un tempo relativement rapide, à l’inverse de ce qu’avaient osé Karajan ou Abbado, le célèbre Adagietto démontre peut-être une peur moderne d’insérer trop de lourdeur ou de pathos dans les œuvres. Là encore, c’est une extrême douceur qui se laisse découvrir, tristesse sans nostalgie d’où le thème principal s’échappe sans jamais peser, comme s’il laissait du souffle aux seconds violons et du cristallin aux harpes. Enchaîné immédiatement, le Rondo final conclut la troisième partie d’un pas allant ; plus de ruptures et des attaques plus marquées auraient peut-être porté encore plus loin la passionnante vision du chef. Un programme qui a ravi les adeptes d’approches réflexives et novatrices des œuvres de Mahler !

VG